Postulat — Pour une meilleure prise en charge globale des personnes transgenre et non-binaires par la police municipale de Lausanne

Déposé par Carolina Carvalho Arruda, conseillère communale – Postulat du 3 octobre 2023

Pour améliorer la prise en charge des personnes transgenre et non-binaires par la police municipale, le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de mettre en place un dispositif composé de deux volets : l’adoption d’un protocole spécifique destiné à tout le corps de police et la nomination d’une personne de référence ou d’un·e agent·e de liaison LGBTIQ+.

La Municipalité de Lausanne s’est donné le défi de mener une politique active contre les discriminations faites aux populations LGBTIQ+[1]. En effet, depuis 2019, elle prépare les bases d’une nouvelle politique transversale en faveur des personnes LGBTIQ+, en s’appuyant largement sur l’expertise des associations, du personnel de l’administration, de partenaires privés, parapublics ou publics. Cet effort a abouti, en 2021, à un plan stratégique composé de 4 axes principaux[2] :

  1. Pour une ville inclusive et non-discriminante. La Ville de Lausanne s’affirme comme un centre urbain accueillant, inclusif pour les personnes, lieux et organisations LGBTIQ+. Elle est ouverte à la diversité de genre, d’expressions de genre et d’orientation sexuelle et affective.
  2. Pour des espaces publics accueillants pour toutes et tous. La Ville de Lausanne s’engage pour que chacun·e puisse vivre et affirmer son identité et expression de genre, son orientation sexuelle en toute liberté et en toute sécurité.
  3. Pour des prestations de qualité et ouvertes à toutes et tous sans discrimination. La Ville de Lausanne s’engage à délivrer des prestations inclusives et non discriminantes à l’égard des personnes LGBTIQ+.
  4. Pour des pratiques exemplaires en tant qu’employeuse. La Ville de Lausanne s’engage à mener une politique du personnel inclusive et non discriminante pour les personnes LGBTIQ+.

L’objet du présent postulat s’inscrit dans le périmètre des axes 2 et 3 de ce plan stratégique en ce qu’il vise une meilleure prise en charge globale des personnes transgenres et non-binaires par la Police municipale, et cela quel que soit leur statut (personnes victimes, auteures présumées, témoins ou administrées).

En effet, la grande majorité des interactions qu’une personne peut avoir avec la police se passe dans un moment de vulnérabilité pour elle : on peut avoir été victime d’un crime, être interpellée lors d’un contrôle routier, être témoin d’une infraction, ou tout simplement devoir faire une demande administrative. Dans tous les cas, on n’est jamais complétement à l’aise et il est facile de se décourager quand il s’agit de faire appel à la police. Pour les personnes transgenre et non-binaires, à cela s’ajoute la crainte de subir des discriminations liées à son identité de genre. Le corps de police doit non seulement être sensibilisé à ces questions, mais aussi avoir les bons outils pour garantir une prise en charge respectueuse et efficace.

Des efforts ont, certes, déjà été faits en la matière. La Police municipale collabore actuellement avec l’Association Pôle Agression et Violence (PAV)[3] pour la sensibilisation de nouvelles et nouveaux agents[4]. Toutefois, le corps de police n’est pas encore entièrement outillé pour répondre aux objectifs émis par Municipalité dans son plan stratégique.

Pour soutenir la Police municipale dans cette nouvelle mission, une solution serait la mise en place d’un dispositif pour la prise en charge globale des personnes transgenre ou non-binaires, combinant deux volets :

  1. L’adoption et diffusion au sein du corps de police d’un protocole spécifique pour la prise en charge des personnes transgenres et non-binaires. Il s’agit d’un recueil de recommandations en termes de pratiques, de posture et de langage lors des interventions et des procédures de police, applicables autant dans les postes de police que dans l’espace public. Ce protocole inclurait, par exemple : la demande, systématique et en amont de l’intervention, de la civilité et du prénom par lequel la personne souhaite être appelée à l’oral, le respect du genre selon lequel la personne se définit et l’emploi des bons pronoms, indépendamment de ce qui est inscrit sur sa pièce d’identité ; le cas échéant, la possibilité de la personne de choisir le genre de la personne qui effectuerait l’interrogatoire, la fouille et la palpation ; en cas d’encellulement, le choix d’être placée avec des hommes ou avec des femmes ; etc.. Cette liste n’est pas exhaustive et un tel protocole serait le fruit d’une réflexion commune impliquant le corps de police, l’Observatoire de la sécurité et des discriminations de la Ville de Lausanne et les associations LGBTIQ+.
  2. La nomination d’une personne de référence ou d’un·e agent·e de liaison LGBTIQ+, qui aurait une double mission : d’un côté, soutenir et orienter les collègues du corps de police, pour les rassurer dans leurs pratiques et dans le respect du protocole ; de l’autre, d’orienter et d’accompagner les victimes d’actes d’homophobie et transphobie dans leur dépôt de plainte, une action parfois difficile à entreprendre pour elles. Cette personne serait la « gardienne du temple », assurant l’égalité de traitement lors de chaque intervention impliquant une personne transgenre ou non-binaire. Elle assurerait également que la sensibilisation reçue par les nouvelles et nouveaux agents de police ne se perde pas au fil du temps et des procédures, et qu’elle se répande aux anciennes et anciens agents. Elle travaillerait en complément à l’action de l’Unité spéciale pour la prise en charge des victimes, dont l’action se limite à la prise en charge des victimes de violence.

Ce dispositif apporterait des avantages autant à la population concernée qu’au corps de police. Pour les personnes transgenre et non-binaires, leur prise en charge serait améliorée, leur a priori négatif sur la compréhension qu’ont les forces de l’ordre de la question de la transidentité et de la non-binarité diminuerait et, par conséquent, aussi leur crainte de subir un traitement discriminatoire dans leur interaction avec la police municipale. Pour le corps de police, cela constituerait un soutien important dans leur mission, permettant de rassurer les agent·e·s dans leurs pratiques, de les orienter, pour qu’elles et ils s’approprient de la question et se sentent compétent·e·s. Cela permettrait de désamorcer les tensions, de créer un lien de confiance entre ces personnes et la police municipale et d’améliorer la collaboration.

Le présent postulat invite donc la Municipalité à étudier l’opportunité de mettre en place un dispositif pour une meilleure prise en charge globale des personnes transgenre et non-binaires par la police municipale de Lausanne, comprenant l’adoption et la diffusion d’un protocole de prise en charge et de la nomination d’une personne de référence ou d’un·e agent·e de liaison.

[1] Préavis Nº 2021 / 57 du 9 décembre 2021 – Politique municipale d’inclusion des personnes LGBTIQ+

[2] Politique municipale LGBTIQ+ : plan stratégique. Disponible sous: https://www.lausanne.ch/officiel/administration/securite-et-economie/secretariat-general-se/unites-administratives/observatoire-de-la-securite/lgbtiq

[3] https://association-pav.ch/

[4] Préavis Nº 2021 / 57 du 9 décembre 2021 – Politique municipale d’inclusion des personnes LGBTIQ+