Interpellation — Augmentations des tarifs électriques : faire encore la lumière

Déposée par Benoît Gaillard, conseiller communal – Interpellation du 3 octobre 2023

Les services industriels lausannois ont annoncé une hausse de 13.7 % des tarifs électriques pour les ménages et petites entreprises en 2024, ceci après une hausse de 35 % en 2023. La hausse pour 2024 est inférieure à la moyenne suisse, qui se situe à 18 %. La situation géopolitique et plusieurs décisions de politique énergétique de nos voisins sont à l’origine des fortes variations à la hausse du prix de l’électricité. Le tarif du gaz en fait également les frais, qui augmentera de 7.8 % en 2024 après environ 40 % de hausse en 2023.

Le sujet a déjà occupé plusieurs fois le Conseil communal. Toutefois, quelques modifications de l’environnement règlementaire et politique appellent de nouvelles questions.

En matière d’électricité, les fournisseurs au détail disposant du monopole des ménages et PME dans leur zone de desserte peuvent choisir entre deux méthodes de calcul. Lorsque les prix du marché sont bas et en particulier lorsqu’ils sont inférieurs au coût de revient des installations que ces fournisseurs détiennent, alors les fournisseurs ont le droit de facturer à leurs clients un tarif correspondant au coût de revient. Ceci permet de maintenir en exploitation par exemples des installations de production renouvelable même si le prix du marché ne couvre pas les coûts (autrement dit, on continue à produire du renouvelable grâce à un prix suffisant payé par les clients soumis au monopole au lieu d’acheter de l’énergie – souvent moins propre – moins chère sur le marché). Ce système donne une sécurité importante aux investissements dans le renouvelable et a permis à Lausanne, avec d’autres, de développer depuis longtemps en particulier des centrales hydroélectriques et éoliennes, entre autres. La loi prévoit cependant que, lorsque les prix du marché sont au-dessus du coût de revient de l’exploitation des installations propres, alors les fournisseurs peuvent répartir sur l’ensemble de leurs clients le coût moyen d’obtention du courant (autrement dit, le courant que l’on produit soi-même est moins cher que celui du marché, et tous les types de clients (grands ou petits) en profitent car il fait baisser le prix moyen). Les services industriels ont communiqué qu’ils allaient profiter de l’énergie aujourd’hui considérée bon marché de l’usine hydroélectrique de Lavey pour maintenir plus bas les tarifs pour les particuliers. Aucune communication n’a cependant été donnée concernant les autres installations que la Ville co-détient et dont une part de la production desquelles lui est en conséquence réservée.

Autre facteur : la rémunération autorisée du capital pour les gestionnaires de réseau (Weighted average cost of capital (WACC) réseau) a été augmentée. Ils ont désormais le droit, par décision du DETEC, de tirer non plus seulement 3.83 % mais nouvellement 4.13 % de rendement sur les investissements dans le réseau. Une décision qui a été fortement critiquée par plusieurs associations de consommateurs.

Notons enfin que les géants de la production électrique et du trading ont annoncé, en 2023, des bénéfices intermédiaires faramineux, avec par exemple pour Alpiq un EBITDA au premier semestre de près de 800 millions de francs.

Du côté du gaz, on constate une tendance de retour à des prix proches de ceux que connaissait le marché avant l’attaque de la Russie sur l’Ukraine. Les capacités d’accueil de gaz d’autres sources que la Russie ont été fortement développées dans les ports et terminaux européens. Le prix du gaz a fortement baissé depuis le début de l’année 2023. Le 15 février 2023, le mécanisme européen de plafonnement du prix du gaz est entré en vigueur, qui prévoit une limitation si le prix du MWh dépasse 190 euros trois jours de suite. Enfin, le Conseil fédéral et l’industrie gazière ont convenu d’une reconduction des réserves obligatoire pour l’hiver 2023-2024.

Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à la Municipalité :

  • Quelle méthode de calcul des tarifs de l’électricité a-t-elle été appliquée pour 2024, et qui profite des coûts de production désormais plus bas que les prix du marché des installations sur lesquelles la Ville de Lausanne a des droits, indépendamment de Lavey qui a été mentionnée explicitement dans la communication ?
  • Aurait-il été envisageable de prévoir, par ménage, un socle de KWh annuel à un tarif plus bas en profitant de la marge de manœuvre nouvelle offerte par la situation de marché ?
  • Que pense la Municipalité de la hausse du WACC réseau ? Reflète-t-elle réellement une modification des possibilités de financement d’un gestionnaire de réseau comme les SIL ?
  • Les SIL répercutent-ils cette hausse ?
  • Comment se positionne la Municipalité quant au bénéfice d’Alpiq dont elle est indirectement actionnaire ? Quel usage est envisagé pour ces profits exceptionnels (appelés windfall profits dans le débat économique) ?
  • Comment le nouvel environnement géopolitique a-t-il été intégré dans la fixation du prix du gaz pour 2024 ?
  • Les SIL ont-ils révisé leur stratégie d’achat en tenant compte des nouvelles capacités et du plafond européen du prix du gaz ?
  • Pour quand est-il envisageable
    • De réduire les tarifs de l’électricité ?
    • De réduire les tarifs du gaz ?
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