Interpellation — Tenues à l’école : luttons contre la stigmatisation des filles

Déposée par Séverine Graff, conseillère communale – Interpellation du 29 août 2023

En 2019, la Suisse romande découvrait avec étonnement comment certaines écoles genevoises imposaient un vaste t-shirt, baptisé « t-shirt de la honte » aux jeunes filles portant des tenues qualifiées « provocantes ». À la suite de cette polémique, le Département de la formation vaudois avait envoyé un courrier aux Directions d’établissement sur l’application de l’art. 115 de la LEO. Cet article indique que la tenue vestimentaire à l’école doit être « décente » (un qualificatif que l’on retrouve par exemple dans le Règlement général de la Police de Lausanne qui interdit « tout habillement contraire à la décence »). Daté du 22 octobre 2020, le courrier aux Directions des établissements vaudois précisait trois directives sur ce sujet sensible : éviter dans les règlements de stigmatiser les vêtements considérés comme féminins, ne pas sanctionner systématiquement les jeunes filles en imposant de vêtements couvrants en cas de problèmes, ne jamais véhiculer dans la pratique l’idée que les vêtements ou le corps des filles sont responsables des distractions ou attitudes déplacées chez les garçons. Or, les règlements des 7 EPS lausannois accueillants des élèves de la 7P à la 11P, soit environ 6500 élèves ne semblent pas tous obéir à ces recommandations. Si certains abordent cette question en des termes généraux ou visent des habits dont l’usage est neutre (comme les bonnets), certains traquent avant tout les vêtements féminins.

Le règlement interne de l’EPS de Villamont interdit « les jupes au-dessus de la mi-cuisse », « les décolletés », « les ventres dénudés ». De même, le règlement de l’EPS des Bergières indique « que le dos et le ventre doivent être couverts », et que « les sous-vêtements ne doivent pas être visibles », CF Ramuz interdit les vêtements « provocants ». Il semble donc que ces règlements cités soient discriminants.

Par ailleurs, plusieurs règlements semblent sortir du cadre de la « décence » qui figure dans la loi cantonale pour imposer des normes sociales. Ainsi le « training » est plusieurs fois interdit dans les règlements, de même que le « marcel » (EPS du Belvèdère).

Enfin, en cas de problème, le courrier du Département de 2020 demande de ne plus imposer aux élèves de larges vêtements fournis par l’école, mais préconise de discuter avec la classe sur ce que signifie un vêtement adapté au contexte scolaire. Ce travail d’accompagnement et de réflexions sur les normes vestimentaires est guidé par le Département via une séquence pédagogique fournie par l’Unité PSPS. Comme le souligne la recherche de Cathy Rime, compter sur le « bon sens » des enseignant·es ne suffit pas : 35% de ce que les professionnel·es considèrent comme « indécents » sont des vêtements typiquement féminins, comme la jupe ou le crop top, alors que seulement 9% renvoient à des vêtements considérés comme masculins. On peut aussi s’interroger sur la posture contrôlante que ces règlements lausannois impliquent de la part des enseignant·e devant des corps d’élèves entre 10 et 15 ans.

L’école devrait s’approprier les enjeux des tenues vestimentaires et les injonctions sociales qui sont véhiculées, mais dans un esprit critique et non culpabilisant vis-à-vis des jeunes filles. Nous posons donc les questions suivantes :

  • La Municipalité juge-t-elle que certains critères de ces règlements, cités ci-dessus, visent les jeunes filles spécifiquement?
  • Quelle stratégie la Municipalité compte-t-elle suivre pour garantir des règlements scolaires non sexistes, en conformité avec la lettre du Département d’octobre 2020 ?
  • La Municipalité peut-elle garantir qu’aucun établissement lausannois n’impose encore le port de vêtements larges en cas d’infraction à l’art. 115 de la LEO ?

Nous remercions d’avance la Municipalité pour ses réponses.

Séverine Graff

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