Interpellation — Comment les normes anti-homophobie sont-elles appliquées à Lausanne?

Déposée par Benoît Gaillard, conseiller communal – Interpellation du 20 juin 2023

Le 9 février 2020, le peuple suisse acceptait la pénalisation de l’homophobie. L’ensemble des discours de haine tombent sous le coup de cette interdiction et peuvent dès lors être réprimés. Parmi ceux-ci, les propos qui assimilent l’homosexualité à une maladie, dont il s’agirait de soigner les personnes concernées, sont hélas répandus. Les thérapies dites « de conversion » sont d’ailleurs en voie d’être interdites dans notre canton et sur le plan fédéral[1]. Assimiler l’homosexualité à une maladie est un discours extrémiste qui entre en contradiction avec le nouvel article 261bis du Code pénal (qui punit notamment « quiconque, publiquement, propage une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique cette personne ou ce groupe de personne »).

Pour autant, ce discours reste répandu. Il a même pignon sur rue à Lausanne.

Ainsi, un ouvrage acheté sur la plate-forme en ligne de la librairie « Madeleine » située au centre-ville, et intitulé Un être cher est gay, donne des conseils pour le « traitement » de l’homosexualité et ne voit d’issue souhaitable pour les personnes homosexuelles que dans une « guérison » qui signifie un renoncement définitif à leur orientation sexuelle. L’ouvrage fait ouvertement l’apologie des soi-disant thérapies de conversion et notamment des organisations qui la pratiquent, regroupées dans la faîtière évangélique internationale « Exodus », elle-même liée au « Mouvement de Lausanne », organisme trop peu connu du grand public nommé d’après le « Congrès international pour l’évangélisation du monde (CIPEM) » tenu en juillet 1974 au Palais de Beaulieu. On trouve dans le même ouvrage la citation suivante, qui caractérise clairement l’homosexualité comme maladie :  « Quand une personne souffre de problèmes cardiaques, le médecin procure à sa famille de la lecture indispensable afin qu’elle apprenne à faciliter le processus de rétablissement du patient. Lorsqu’il s’agit de l’homosexualité, il nous faut être également préparés à porter secours. » (, p. 196).

Un autre ouvrage acheté dans la même librairie poursuit sur l’analogie entre homosexualité et maladie : « Attendons-nous à ce qu’un certain nombre de chrétiens éprouvent des formes d’attirance pour le même sexe. Nous vivons dans un monde déchu. Notre péché a affecté la création. Celle-ci a été soumise à la vanité. Les maladies et les troubles affectent nos corps, nos cœurs et nos esprits.» (Dieu est-il homophobe ?, p. 45).

 

Il faut préciser ici que ces ouvrages se présentent clairement comme des guides pour l’action dans la vie quotidienne. On ne saurait donc évoquer, les concernant, une forme de licence littéraire ou poétique. Ces textes visent à inciter leurs lecteurs à adopter une attitude donnée, et comme tels tombent possiblement sous le coup de la loi. Malheureusement, ce n’est pas là la première fois que des églises ou personnes se revendiquant de la mouvance chrétienne évangélique font parler d’elle : on se souvient par exemple de ce prêche homophobe à la Place de la Riponne il y a quelques années[1].

Quoique la librairie Madeleine ait pratiqué un ravalement de façade complet, se présente comme un café moderne et sympathique, et déploie de nombreux artifices pour le dissimuler, elle est rattachée à une église anglo-saxonne, la C3 Church Global. Cette église a été plusieurs fois l’objet d’enquêtes journalistiques selon lesquelles elle encourage les soi-disant thérapies de conversion[2]. Cette église mise activement sur les nouvelles technologies et les plates-formes utilisées par les jeunes pour attirer de nouveaux fidèles[3]. A cette tactique de dissimulation peut et doit, selon nous, répondre une approche éclairée visant à démasquer la réelle nature des messages véhiculés.

Nous posons donc les questions suivantes :

  • Quelle stratégie la Municipalité suit-elle pour appliquer la norme anti-homophobie à Lausanne ?
  • Comment la Municipalité envisage-t-elle de mettre en œuvre l’interdiction future probable des thérapies de conversion et de la promotion de telles thérapies notamment à travers des livres de conseils qui en font la publicité ou l’apologie ?
  • La Municipalité connaît-elle le cas de la librairie en question et comment le juge-t-elle…
    • Eu égard à la norme pénale en question ?
    • Eu égard à l’interdiction des thérapies de conversion ?

Nous remercions d’avance la Municipalité pour ses réponses.

[1] https://www.24heures.ch/plaintes-apres-un-preche-public-ciblant-lhomosexualite-359944841313

[2] Voir par ex : https://www.youtube.com/watch?v=TFYkFJJoSSs

[3] Voir par ex : https://www.topic.com/the-brand-is-belief

[1] Voir notamment : https://www.parlament.ch/fr/services/news/Pages/2022/20221212174715383194158159038_bsf140.aspx

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