Postulat – Précarité des artistes : envisager le portage salarial

Sarah Neumann, conseillère communale, postulat du 4 octobre 2022  

Face à la précarité des professionnel·les des arts, largement visibilisée dans le cadre de la pandémie du Covid-19, des mesures garantissant qu’ils et elles cotisent systématiquement aux assurances sociales sont à envisager.  Ce postulat propose d’analyser l’opportunité de mettre en place un système de portage salarial ou « chèque-emploi » pour ce champ d’activité.

L’emploi dans le domaine culturel s’organise généralement de manière atypique : une carrière se compose d’une multiplicité de contrats de courte durée, avec des employeurs divers. Les professionnels des arts sont de ce fait particulièrement concernés par une sous-couverture en matière de prévoyance. Cela a été visibilisé dans le cadre de la pandémie du Covid-19, où nombre d’artistes pourtant reconnus dans leur métier n’étaient pas en mesure de légitimer des gains acquis les dernières années, et donc n’ont pas pu prétendre aux mesures de soutien liées à l’arrêt de l’activité dans leur domaine.

L’AVS prend en compte cette organisation atypique : les salaires dans le domaine artistique sont soumis à cotisation dès le 1er franc, ce qui est connu et appliqué des employeurs qui emploient régulièrement des acteur·ices culturel·les.

En tant que collectivité engagée dans une politique culturelle dynamique, la Ville de Lausanne a pris différentes mesures pour garantir une meilleure couverture sociale aux artistes exerçant dans le secteur culturel institutionnel comme dans la création indépendante (RP no 2019/ 12 – Réponse au postulat de Sarah Neumann et Philippe Clivaz « Des mesures ciblées pour les retraites artistiques).

Toutefois, les institutions culturelles et les organisations subventionnées ne sont pas les seules pourvoyeuses d’emploi pour les artistes ; il est fréquent que des entreprises, des institutions ou des collectivités soient à la recherche d’une prestation culturelle ponctuelle, et aient donc à rémunérer exceptionnellement un·e musicien·ne pour un concert, un·e comédien·ne pour la présentation d’une cérémonie, etc.

Dans de nombreux cas, ces employeurs exceptionnels d’artistes ne sont pas armés administrativement pour salarier quelqu’un pour un contrat de très courte durée en respectant les exigences spécifiques de ces professions. Quelques exemples : ils ne sont pas informés que les cotisations AVS/AI/APG/AC doivent être prélevées dès le premier franc dans le domaine artistique ; la caisse de pensions à laquelle ils sont affiliés ne couvre que les salaires au-delà du montant coordonné ; établir un contrat écrit, délivrer une attestation de gain intermédiaire, est considéré comme trop chronophage par rapport au montant engagé ; l’organisation n’est pas assez agile pour délivrer les documents requis par le statut d’intermittent dans les délais ; etc.

De ce fait, les artistes se voient souvent obligés d’accepter d’être rémunéré comme s’ils avaient un statut d’indépendant, ou comme s’il s’agissait d’une « activité accessoire » alors que l’organisation de leur profession est faite d’un cumul d’activités complémentaires, mais en aucun cas « accessoires » au sens de l’AVS.

La grande précarité dans laquelle ils exercent leur métier les conduisent souvent à accepter ces conditions, malgré le fait qu’elles ne sont pas conformes au droit du travail. Et dans nombre de cas, les employeurs agissent de bonne foi, et ignorent même qu’ils engagent ainsi quelqu’un « au noir ».

Afin de faciliter l’emploi diversifié des artistes dans des conditions conformes, il serait opportun d’étudier la solution du portage salarial, que ce soit par un système de type « chèque-emploi » ou par la constitution d’un organisme qui assurerait l’engagement, la déclaration, la rémunération conforme des artistes d’une part, et la facturation de la prestation d’autre part.

Cela simplifierait l’engagement et la contractualisation pour les deux parties, tout en leur garantissant que les conditions légales sont respectées. Cela éviterait aussi à chaque musicien de devoir créer sa propre association et salarier sa propre administration pour être assuré de cotiser adéquatement au système social.

Il va de soi qu’un tel projet, qui susciterait de l’intérêt d’artistes et de leurs mandataires issus de l’ensemble du canton, voire au-delà, ne saurait être du ressort exclusif d’une ville. Toutefois, la Ville de Lausanne a souvent démontré son aptitude à proposer des solutions innovantes en matière de politique culturelle, et sa capacité à co-construire celles-ci avec d’autres acteurs de Suisse romande.

 

Conclusions :

Le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de mettre en place – ou d’accompagner la mise en place d’– une structure dédiée au portage salarial dans le domaine culturel, ou d’un système de type chèques-emploi, permettant aux artistes d’exercer leur métier dans des conditions leur permettant d’être salarié-es conformément aux exigences spécifiques des emplois atypiques, et ceci y compris pour des engagements hors des institutions et associations culturelles.