Tribune de Samson Yemane parue dans l’édition du 24heure du 12 janvier 2022
Samson Yemane remet en question la participation suisse à l’Agence européenne de gardes-frontières.
L’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes Frontex est aujourd’hui le garant sécuritaire censé protéger l’espace de liberté et de justice de l’Europe face à la migration irrégulière. Or, c’est tout le contraire qui se produit, puisque derrière cette logique de sécurisation, le principe de non-refoulement codifié par le droit international est transgressé par l’Union européenne, avec la participation de la Suisse.
La Convention de Genève de 1951 relative aux statuts des réfugiés, signée par la Suisse (et plusieurs États européens), garantit juridiquement à une personne réfugiée de demander l’asile à un pays tiers. Si, dans son discours, Frontex paraît conforme aux droits fondamentaux, la réalité nous informe qu’il n’en est rien. L’agence européenne n’hésite en effet pas à mener certaines opérations telles que les push-backs, pour empêcher des exilés d’atteindre un territoire européen et d’entamer une procédure d’asile.
Cette politique anti-migration, qui déroge au droit international, met en péril non seulement nos institutions démocratiques, mais surtout la vie des réfugiés discriminés et abandonnés. Face à ce constat, il est plus que jamais crucial de remettre en question l’utilité de cette agence, et notamment, la pertinence de la participation de la Suisse à un organisme qui tolère la violence aux frontières.
Le Conseil fédéral et les Chambres fédérales ont accepté d’augmenter de 37 millions la contribution annuelle de la Suisse à Frontex, qui s’élèvera à 61 millions. De surcroît, plus de soixante gardes-frontières suisses devraient être mobilisés pour intensifier la gestion des contrôles. Pourtant, la Suisse n’exerce aucune influence significative dans les directives de Frontex. En résumé, en tant que membre associé aux accords de Schengen de l’UE, la Suisse accepte les délibérations du Conseil européen.
Quelle solution contre cette sécurisation? D’après moi, il importe que la Suisse prenne ses responsabilités et soit l’actrice d’un changement de paradigme quant à cette politique inhumaine et irrationnelle. En effet, nous devrons nous rappeler nos valeurs humanistes.
Des efforts à accomplir
À l’heure où Frontex intensifie sa logique de militarisation, le Conseil fédéral devrait mettre l’accent sur l’importance de la Convention de Genève et défendre l’obligation de traiter les demandes d’asile dignement. Notre pays peut mettre plus d’effort dans trois axes suivants: réintroduire les demandes d’asile auprès des ambassades suisses; augmenter les contingents de réinstallation de l’ONU; et octroyer facilement les visas humanitaires qui sont à ce jour très peu délivrés.
En attendant, il faut encourager le référendum «No Frontex» lancé le 21 octobre 2021 par des organisations de défense des migrants et soutenu par le Parti socialiste et les Verts. Cel dernier exige – entre autres – d’annuler le financement à l’Agence Frontex.