Tribune – Lex Netflix : pour que le cinéma suisse ne reste pas sur la touche

Tribune de Séverine Graff parue dans l’édition du 24heure du 10 novembre 2021

En septembre 2021, le Parlement a adopté la Lex Netflix, une loi obligeant les plateformes qui diffusent des films en ligne d’investir dans la production audiovisuelle suisse, comme le font déjà les chaînes nationales de télévision. Les plateformes Netflix, Amazon ou Disney+ devront donc injecter 4 % de leurs recettes dans des séries ou des films suisses qui figureront ensuite dans leur catalogue. « Taxe » « étatique » « cinéma suisse » ? Il n’en fallait pas plus pour voir les jeunes de droite crier au loup et lancer un référendum pour épargner les plateformes des assauts du vieux cinéma suisse.

 

L’argument des référendaires consiste à opposer de jeunes entreprises privées florissantes à un cinéma helvétique que l’on dépeint sous perfusion. Mais cette manne financière des plateformes -on parle d’environ 30 millions, soit la somme que l’OFC ou que la SSR investissent chaque année dans la production audiovisuelle suisse- permettra de réaliser des séries ou des films tout public. Qui n’a pas aimé Lupin ? Qui n’a pas envié le succès de la Casa del Papel ? S’il récolte ses signatures, ce référendum impliquerait pour le cinéma suisse de renoncer à des succès critiques et commerciaux similaires. Alors que si la Lex Netflix passe, les séries ou films déjà produits en Suisse pourraient bénéficier de l’incroyable vitrine internationale qu’offrent ces plateformes. Netflix et ses consœurs sont une opportunité en or pour faire connaître nos talents et financer les prochains, saisissons-la !

 

Le consommateur·trice suisse paie pour ces plateformes les abonnements les plus chers d’Europe. Mais paradoxalement, pas un centime n’est injecté dans la production nationale, alors que la France impose une taxe, non pas à 4%, mais à 26% ! En clair, ces entreprises étrangères font payer les Suiss·esses, mais investissent leur argent ailleurs. C’est absurde, et on aurait tout intérêt à profiter de ce système de réinvestissement car son introduction dans les autres pays n’a jamais fait augmenter le prix de l’abonnement. Le consommateur n’a donc rien à perdre, et tout à gagner.

 

L’argent investi dans le cinéma suisse permet également de faire vivre le monde de la culture : près de 1500 Vaudois.ses travaillent dans l’audiovisuel, et les retombées économiques des tournages sont très importantes. Selon la Fondation romande pour le cinéma Cinéform, 1 franc investi dans le cinéma suisse génère 3,10 francs réinjectés dans le tissu économique. Ces sommes permettent aux équipes techniques et artistiques de toucher un salaire, mais également aux hôteliers et restaurateurs de bénéficier des tournages et de vendre l’image de la Suisse à l’étranger.

 

Investir 4% pour permettre à la Suisse de participer au formidable dynamisme qu’insufflent les plateformes dans la production de films et de séries est une nécessité. Ne restons pas sur la touche…

 

Séverine Graff

Conseillère communale

Parti socialiste