Tribune – La retraite à 65 ans pour les femmes? Même pas en rêve!

Tribune de Muriel Chenaux Mesnier parue dans l’édition du 3 décembre 2020 du 24 Heures

En Suisse, les femmes subissent des inégalités salariales durant toute leur vie professionnelle. Cet état de fait est connu. Mais on oublie parfois qu’il a des conséquences non négligeables pour les revenus à la retraite.

Ainsi, les femmes perçoivent des rentes de retraite – premier et deuxième piliers confondus – inférieures d’environ un tiers à celle des hommes. Une moitié d’entre elles reçoivent moins de 1750 francs par mois. Les rentes de l’AVS ne remplissent pas leur mandat constitutionnel, qui serait d’assurer le minimum vital. Quant au deuxième pilier, il n’offre pas de garantie suffisante: les prestations sont en chute libre, et une femme sur trois arrivant à la retraite ne touche pas de rente LPP!

En conséquence, 140’000 femmes retraitées dépendent des prestations complémentaires pour vivre. C’est bien en fonction de ce contexte qu’il faut analyser la réforme AVS 21, qui prévoit de nouvelles péjorations, dont l’élévation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans, là où, au contraire, il faudrait enfin s’attaquer au problème des rentes trop basses! Cette inacceptable augmentation de l’âge de la retraite s’ajoute au fait que les rentes du premier pilier s’adaptent insuffisamment à la hausse du coût de la vie, notamment des primes maladie.

En fait, les rentes baissent déjà – et il faudrait encore accepter ce compromis scandaleux, alors que les femmes ont déjà refusé d’accepter une augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans prévue dans le projet AVS 2020. À chaque révision, ce sont systématiquement les femmes et les bas salaires qui sont les laissés-pour-compte d’un système déjà inégalitaire à la base. Le principe de l’indépendance financière des femmes est une revendication qui doit être entendue par l’ensemble des partis politiques, il est au cœur de l’égalité.

Logique à changer

Il est impératif de changer de logique. L’ambition du système de prévoyance suisse doit être ravivée. Le moment est le bon pour renforcer le système de répartition de l’AVS, puisque le fonctionnement par capitalisation de la LPP va souffrir des années encore des taux d’intérêt bas. C’est dans ce sens que vont tant l’initiative pour une 13e rente AVS pour toutes et tous que le compromis des partenaires sociaux sur le deuxième pilier: des prestations fiables pour tout le monde. Quant au financement, il n’y a pas de raison de refuser de réfléchir à utiliser les dizaines de milliards qui, dans le bilan de la BNS, sont réservés pour les Cantons et la Confédération…