Déposé par Sarah Neumann, conseillère communale, et consort·e·s — Postulat du 10 septembre 2024
Les questions de prise en charge des personnes toxicodépendantes, de consommation de stupéfiants dans l’espace public et de deal de rue occupent la politique lausannoise depuis des années.
Depuis l’été 2023, force est de constater que la situation dans l’espace public s’est fortement dégradée. L’articulation entre une prise en charge adaptée des personnes toxicodépendantes et une diminution de deal et de la consommation en rue n’est pas satisfaisante. C’est particulièrement le cas dans le secteur de la Riponne. Le sentiment d’insécurité augmente pour la population, amenant avec lui une impression d’impunité, de dégradation de l’espace public, voire d’une forme d’abandon par les autorités.
Cette situation affecte également d’autres parties du centre-ville (gare, quartier Chauderon-Maupas, Caroline et Tunnel). De plus en plus de toilettes publiques y sont également utilisées pour la consommation de stupéfiants rendant leur usage de facto très désagréable et insécure, voire impossible, pour les personnes souhaitant simplement se rendre aux toilettes.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation qui touche également d’autres villes suisses et européennes :
- L’émergence du «crack» qui inonde le marché, substance occasionnant une forte et rapide dépendance, et dont le mode de consommation et les effets rendent les usagères et usagers particulièrement nerveux, voire agressifs.
- Une augmentation de la grande précarité que l’on constate depuis le Covid-19.
- Une part de la population migrante vulnérable qui est laissée à elle-même et à laquelle notre pays interdit, à l’envers du bon sens, toute activité professionnelle ou formatrice.
- À l’échelle cantonale, une chaîne pénale saturée, en particulier dans le domaine pénitentiaire, empêchant de fait la mise en œuvre des peines.
- Le fait que seules les villes de Genève, Bienne et Fribourg disposent également d’un espace de consommation sécurisé en Suisse romande et qu’aucune autre structure de ce type n’existe dans les autres villes du canton, en Valais, à Neuchâtel ou en France voisine.
Sur le plan politique, le groupe socialiste a toujours défendu qu’une meilleure prise en charge sociale et sanitaire des personnes toxicodépendantes et plus largement des personnes marginalisées devait aller de pair avec une forte réduction de deal de rue, de la consommation de stupéfiants dans l’espace public ainsi que des autres comportements inacceptables dans l’espace public.
Le groupe socialiste entend que chacune et chacun puisse se sentir en sécurité dans l’espace public qui demeure un bien commun, le lieu où tout le monde a le droit d’aller et venir, de déambuler, de faire des rencontres. Lorsque ce droit est menacé, ce sont toujours les plus vulnérables qui en font les frais, et qui se retirent en premier de l’espace public : femmes, enfants, personnes âgées ou personnes en situation de handicap, ou même parfois les sans-papiers soucieux d’éviter à tout prix toute forme d’interaction conflictuelle. Garantir l’ordre public, c’est donc aussi contribuer à notre cohésion sociale permettant à chacune et chacun de bien se sentir dans nos rues, nos places ou parcs publics.
C’est la raison pour laquelle le PS lausannois s’est fortement engagé, notamment depuis 2012, pour la mise en place en ville de patrouilles de police pédestres dans une fonction de répression, mais également et surtout de prévention de la commission de délits. Le groupe socialiste a ainsi soutenu une augmentation importante et progressive des effectifs de police mais également la création des correspondants de nuits (au total environ 120 ETP ont été créés depuis 2011).
Cela étant, il faut reconnaître et déplorer que la présence policière, même si elle s’est accrue depuis 2023, demeure insuffisante dans les rues du centre-ville lausannois. Si les patrouilles ont été renforcées à l’automne 2023, le dispositif peine à être régulier et à s’inscrire dans la durée. Il y a très peu de patrouilles pédestres le soir et nuit et celles-ci demeurent intermittentes et insuffisantes sur les points chauds lausannois (Riponne, Tunnel, Borde, rue de Bourg, gare-St-François, passerelle du Flon, place Chauderon, rue du Maupas-avenue de France, sans oublier certains abords des établissements scolaires lausannois et les transports publics).
La mission et les priorités de la police mériteraient aussi d’être clarifiées pour aller plus souvent au contact des populations concernées afin de faire appliquer le règlement de police, démarche souvent plus efficace que des dénonciations pénales qui sont le plus souvent sans conséquences en raison de la surcharge du système pénitentiaire.
Le groupe socialiste estime que les mesures suivantes sont nécessaires pour permettre une amélioration dans la durée de la situation dans l’espace public, du sentiment de sécurité et de bien-être de toutes et tous auquel chacune et chacun a droit. Le présent postulat demande donc à la Municipalité de prendre les mesures suivantes:
- Renforcer la présence de la police dans les rues lausannoises. Des patrouilles 24h/24h doivent être actives dans les secteurs respectifs de la Riponne, du Tunnel, de la gare et de Chauderon, complétées de patrouilles plus nombreuses la journée et le weekend sur tous les secteurs du centre-ville concernés et listés plus haut dans le texte. Une présence renforcée doit être assurée également durant les heures de marché ainsi que dans les quartiers lausannois aussi concernés par le deal, et dans les transports publics. Ce travail doit être coordonné avec celui des correspondants de nuit et des agents d’accueil et de sécurité dont les activités pourraient aussi être développées et assurer une partie des missions d’ordre dans l’espace public.
- Adapter l’action de la police aux contraintes de la chaîne pénale et, outre la répression, viser prioritairement une présence visible et active prévenant la commission de délits et garantissant l’application des dispositions du règlement de police, dans le strict respect des règles déontologiques et du devoir d’exemplarité qui s’impose aux forces de l’ordre. Le deal comme la consommation dans l’espace public ne doivent pas être tolérés. Cette présence aura aussi comme effet corrélé positif de réduire la réduction d’autres catégorie de délits (vols, brigandages, cambriolages).
- Renforcer et prioriser le travail de la police judiciaire contre le deal pour casser les réseaux et réduire le trafic de stupéfiants.
- Lancer un appel à l’organisation à l’échelle cantonale de nouvelles assises de la chaîne pénale – associant également les acteurs socio-sanitaires – qui permette une meilleure prise en compte et une approche coordonnée des problèmes d’espace public et de lutte contre le deal qui concernent tout le canton et pas uniquement Lausanne.
Mettre en place d’un suivi et d’un monitoring complet de l’action de la police dans l’espace public, dans le but de renforcer au maximum la présence sur le terrain dans l’équilibre des différentes missions sécuritaires.
- Carolina Carvalho, Christine Goumaz, Lana Cueto, Samuel de Vargas