Postulat – Pour une médiation culturelle coordonnée, ciblée et innovante

Vincent Brayer, conseiller communal et Séverine Graff, conseillère communale, postulat déposé le 25 janvier 2022

L’offre culturelle lausannoise est d’une diversité exceptionnelle, et les institutions subventionnées par la Ville bénéficient d’un rayonnement local, national et international, mais pour quel public ? Alors que tous les contribuables financent cette offre, 43% de la population lausannoise ne fréquente jamais les institutions culturelles subventionnées par la Ville. L’accès à la culture est un enjeu complexe sans « solution miracle », mais ce postulat souhaite améliorer l’impact de l’offre culturelle par de nouvelles actions de médiation culturelle.

 

La culture comme facteur d’intégration sociale

Olivier Moeschler dans son rapport de 2019 Les publics de la culture à Lausanne rappelle la mission de la culture comme facteur d’intégration sociale :

« Il s’agit moins aujourd’hui d’analyser en quelle mesure la population accède aux œuvres […] proposées par les institutions culturelles : bien plus, il faut vérifier si ces dernières parviennent à remplir leur nouvelle fonction d’être […] un instrument efficace d’intégration et de cohésion sociales qui sert à apaiser la polarisation sociale »1

Comme le souligne ce rapport, certains publics ne se sentent pas concernés par l’offre culturelle, sans que l’on constate de réels progrès en vingt ans2. Comme il y a 20 ans, les personnes avec un niveau de formation bas et des revenus modestes fréquentent peu ou pas les institutions subventionnées par la Ville et les actions de promotion de la culture ont, sur ces populations, un faible impact. Mais à ces publics historiquement peu impliqués dans l’offre culturelle s’ajoute une frange de la population lausannoise : les étrangers.

Dès lors, il nous paraît essentiel que la Municipalité développe une politique d’accès culturelle pour toutes et tous. De notre point de vue, l’un des leviers d’action à utiliser se situe sur le type de médiation culturelle mise en place par les institutions culturelles. Les actions de médiation des institutions subventionnées par la Ville ne doivent pas uniquement viser les enfants des gros consommateurs de culture. La médiation culturelle doit prioritairement chercher à toucher les Lausannois.ses enfants et adultes qui, de par leurs profils sociologiques, risquent de se sentir exclus de l’offre (un sentiment d’exclusion qui concerne 22% des Lausannois.ses).

L’offre de médiation culturelle devrait œuvrer à effacer certains obstacles pour accéder à la culture et à l’art. Si la frontière pécuniaire peut être réduite grâce à une politique de subvention ou de réduction des prix – mesure bien intégrée par les institutions (abonnements, festivals gratuits, carte de réduction pour jeune ou personnes âgées, etc…) – les frontières symboliques, et géographiques sont, elles, bien plus difficiles à abolir.

 

Investir les quartiers, ouvrir les espaces des institutions

Deux pistes s’ouvrent aux institutions culturelles pour rencontrer ces personnes peu concernées.

La première est de devenir un véritable lieu de vie pour le quartier où se situe l’institution. Il est possible d’étendre les horaires d’ouverture en journée, mais aussi en permettant à la vie associative et la vie locale du quartier de cohabiter dans les espaces de l’institution sans mettre en danger la mission programmatique du lieu.

 

1 Olivier Moeschler, Les publics de la culture à Lausanne, 2019

2 Olivier Moeschler, Les publics de la culture à Lausanne, 2000.

 

La seconde piste est de créer des actions de médiation se déroulant sur le long terme dans un quartier n’ayant pas de lieu culturel en ses murs. Ces actions devraient être participatives et s’étaler sur le temps. Nous fournissions quelques  exemples de « bonnes pratiques » à la fin  de ce document. Le fait que l’action soit dans le quartier durant une période étalée permet d’offrir de la légitimité aux habitant-e-s et donc leur permet d’oser participer (cf. le théâtre permanent de Gwénaël Morin cité plus bas). De plus, si l’action de médiation est basée sur la participation et donc sur le faire, elle permet la création d’un rapport personnel à l’Art et vise donc une modification des médié-e-s sur le long terme. Le but n’étant plus de faire venir l’Art aux personnes mais plutôt de conduire les personnes à créer un langage artistique propre.

 

Faciliter le financement des associations

La seconde difficulté majeure réside dans les politiquement de financement de certains acteurs associatifs. En effet, de nombreuses associations actives dans le domaine de la médiation culturelle se situent dans une action entre formation et initiation à l’art et à la culture. Elles luttent activement à réduire la frontière symbolique barrant l’accès à  la  culture  à  de nombreuses personnes. Pourtant ces associations sont souvent ballotées entre instances cantonales et instances communales. Les différents services culturels se renvoient la balle en arguant que l’offre à la population appartient tantôt davantage  à la  sphère éducative,  ou  tantôt à la sphère culturelle. Selon la vision choisie, l’association devrait  demander  une subvention à la Commune ou au Canton et cette dernière  se retrouve donc dans l’entre-deux  sans réelles aides. L’Association Vaudoise des ligues d’Improvisation, dite AVLI, est le parfait exemple d’une association à cheval entre ces deux mondes… il en existe de nombreuses  autres  dans  le domaine de la danse ou des arts plastiques.

 

Voici quelques exemples d’actions de médiations emblématiques appartenant à la catégorie mentionnée ci-dessus* : le Théâtre permanent de Gwénaël Morin3 ; le Musée temporaire d’Hirschorn (Musée précaire Albinet)4 ; community dance : Danser le troisième printemps5 ; Drôle de trames 6 ; théâtre documentaire : la Ligne7 ; Association Vaudoise des Ligues d’Improvisation dite AVLI8.

 

Conclusions :

Le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de

  • Exiger que les institutions subventionnées par la Ville proposent une offre solide en médiation à destination des publics enfants et adultes sociologiquement écartés de l’offre
  • Etudier comment les institutions culturelles peuvent davantage s’ouvrir à la vie de quartier et devenir un acteur permanent de celle-ci.
  • Etudier comment les institutions peuvent mener des actions de médiations participative, hors les murs, sur de longues durées, afin de permettre aux personnes peu reliées à l’offre culturelle de développer leur propre langage
  • Mener une politique proactive de soutien aux projets de médiation culturelle visant des actions sur le long terme* se rapprochant des tendances de l’éducation Les formes de médiations se faisant en-dehors des murs des institutions culturelles sur le terrain des publics empêchés, privilégiant de longues durées de médiation, et ciblant des publics non captifs devraient être renforcées drastiquement.
  • Effectuer un travail de coordination profond entre ville et canton pour subventionner correctement les associations et institutions travaillant sur l’éveil à l’art et à la culture et donc à cheval sur le pôle éducation-culture-médiation, à l’instar de l’AVLI.
  • Effectuer à intervalle régulier un inventaire des actions de médiation culturelle présentées par les institutions culturelles subventionnées par la Ville de Lausanne

 

 

 

Lausanne, le 21 janvier 2022

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