Uber bénéficie-t-elle d’un régime d’impunité ?

Jean Tschopp, député au Grand Conseil – Interpellation déposée le 10 mai 2016

Uber chamboule l’univers des transports de personnes. Parmi les services proposés, l’offre la plus controversée est sans doute sa version UberPOP. Ce service permet à des particuliers sans autorisation professionnelle d’effectuer des courses à l’aide de voitures de tourisme sans tachygraphe ni enseigne lumineuse. À Lausanne, les chauffeurs UberPOP seraient près de 150. Beaucoup de ces chauffeurs sont par ailleurs au chômage ou à l’aide sociale.

Au plan fédéral, il existe une Ordonnance sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes de voitures de tourismes de personnes (OTR 2). Son champ d’application s’étend aux transports de personnes à titre professionnel. Une course est professionnelle, si elle intervient de manière régulière (au moins 2 fois en moins de 16 jours) et dans le but de réaliser un profit économique (prix de la course supérieur au coût du véhicule et à l’indemnisation des dépenses du conducteur ; art. 3 al. 1bis OTR 2). À ce jour, le Service de l’emploi n’a toujours pas statué sur ce point. Pourtant, la régularité des courses n’est pas contestée. Uber perçoit 30% de frais de service sur chaque course UberPOP. Le prix de base d’une course est de Frs. 3-, auxquels s’ajoute Frs. 1.35- par kilomètre et Frs. 0.30- par minute moyennant Frs. 6- en cas d’annulation. La régularité et le profit économique généré par Uber et par les chauffeurs UberPOP indiquent qu’il s’agit bien de transports de personnes à titre professionnel.

Différents Règlements (inter)communaux sont en vigueur dans la région de Morges, Lausanne, Nyon, Vevey Riviera ou Yverdon-les-Bains. Le Règlement intercommunal sur le service des taxis de l’arrondissement de Lausanne prévoit différents types d’autorisations personnelles et intransmissibles, assorties d’une série d’obligations.[1] Or, aucun des chauffeurs UberPOP n’est au bénéfice d’une quelconque autorisation. UberPOP viole ainsi ouvertement le droit en vigueur. Le 7 mai 2015, ce Règlement a été révisé. Bien qu’attaqué par Uber Switzerland GmbH, par arrêt du 27 avril 2016, la Cour constitutionnelle a jugé la requête, pour l’essentiel, irrecevable.[2]

L’absence d’autorisation des chauffeurs UberPOP, le non-paiement des charges sociales et les tarifs pratiqués constituent une concurrence déloyale aux services de taxis autorisés. Cette concurrence déloyale expose tous les chauffeurs de la branche à des risques de sous-enchère salariale.

Le canton est tenu d’examiner les dénonciations mettant en cause ces concurrences déloyales en violation de l’OTR 2.[3] Cependant, les corps de police n’ont que difficilement accès aux téléphones portables des chauffeurs UberPOP pour démontrer la régularité de leurs courses. Une autre complication réside dans le manque d’indication par l’Etat de Vaud des niveaux de prix à partir desquels un profit économique est généré.

Au vu de ce qui précède, le députés soussigné a l’honneur d’adresser les questions suivantes au Conseil d’Etat qu’il remercie d’ores et déjà pour ses réponses :

  1. Les services offerts par UberPOP constituent-ils des courses professionnelles au sens de l’OTR 2 ?
  2. Comment les autorités fiscales, les Caisses chômages et les Services sociaux considèrent-ils les revenus générés par UberPOP
  3. Des dénonciations ou plaintes pénales sont-elles en cours d’examen auprès du Ministère public en lien avec l’activité déployée par UberPOP pour violation de l’OTR 2, de Règlements (inter)communaux sur les services de taxi ou d’autres normes légales ?
  4. Des sanctions pénales ont-elle été prononcées en lien avec l’activité déployée par UberPOP pour violation de l’OTR 2, de Règlements (inter)communaux sur les services de taxi ou d’autres normes légales ?
  5. UberPOP est-elle une concurrence déloyale aux services de transport de personnes ?
  6. Quand le projet de loi ou de règlementation cantonale sur le service de transport de personnes en réponse au postulat Mathieu Blanc (15_POS_131) sera-t-il mis en consultation ?

[1] Le Règlement s’applique aux communes d’Epalinges, Lausanne, Prilly, Pully, Renens, Chavannes-près-Renens, Crissier, Ecublens, Belmont-sur-Lausanne, Paudex, Le Mont-sur-Lausanne et Bussigny-près-Lausanne (art. 1 RIT).

[2] Arrêt de la Cour constitutionnelle du 27 avril 2016 CCST.2015.0002.

[3] Art. 31 OTR 2 ; voir aussi : art. 96 ad art. 78-80 RIT.

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