Des transports accessibles pour les jeunes comme pour les retraités

Grégoire Junod – paru dans Lausanne Cités du 2 décembre 2010

Depuis le mois d’août dernier, les jeunes lausannois se déplacent à meilleur compte dans les transports publics. Dès la 3e année primaire, les écoliers domiciliés à plus d’un kilomètre de leur établissement scolaire, bénéficient d’un abonnement Mobilis gratuit. Un tiers des élèves est concerné. Les autres, soit tous les jeunes jusqu’à l’âge de 20 ans, profitent dorénavant d’un abonnement à moitié prix.

Cette politique inédite a été voulue par la Ville de Lausanne en réponse à une motion que j’avais déposée au Conseil communal en 2006. Elle a d’abord pour vocation de soulager le budget des familles. Mais ce n’est pas tout. Elle donne aussi le bon réflexe aux jeunes en formation, les incitant à recourir à un mode de déplacement respectueux de l’environnement. Une mesure ciblée donc, financièrement supportable pour la collectivité et certainement bénéfique à long terme.

Lausanne peut ainsi se targuer d’avoir construit un nouveau métro tout en ayant fortement diminué le prix des transports publics pour les familles. Une gageure dont peu de villes peuvent aujourd’hui se prévaloir !

Ce volontarisme politique contraste avec l’annonce faite par les compagnies de transports membres de Mobilis de restreindre l’utilisation des abonnements seniors à partir de 9 heures du matin. Une décision aberrante qui se justifierait, nous dit-on, pour désengorger les bus aux heures de pointe. Chasser les vieux pour faire de la place aux pendulaires ! On croit rêver.

Cerise sur le gâteau, le prix des abonnements augmentera dans deux semaines de près de 10% pour la population de l’agglomération lausannoise. Depuis trois ans, date de la dernière modification tarifaire, le coût de la vie n’a pourtant progressé que de 1.3% ! En exigeant que l’extension de la communauté tarifaire ne lui coûte pas un franc, le canton assume une lourde responsabilité dans cette affaire. Dommage ! Car l’Etat de Vaud aurait largement les moyens d’une autre politique, conciliant des transports publics efficaces et accessibles à toutes les bourses. Lausanne en a posé les premiers jalons. Le Canton serait bien inspiré de lui emboîter le pas en proposant lui aussi des mesures ciblées à l’attention des familles vaudoises et des retraités de condition modeste.

Derrière la propagande fallacieuse des milieux immobiliers se cachent donc des enjeux bien réels. La gratuité du tribunal des baux remonte à 1981 : le peuple vaudois accepte alors une initiative de l’Asloca instituant une juridiction propre en matière de baux à loyer accessible gratuitement. Cette décision témoigne d’un sens aigu de la justice. Pour deux raisons au moins.

D’abord, le logement ne peut se résumer à une simple marchandise ; c’est le cœur de notre vie, un bien indispensable auquel chacune et chacun doit avoir accès. La reconnaissance de cette particularité justifie à elle seule un accès facilité aux tribunaux.

Ensuite, bailleurs et locataires ne jouent pas dans la même ligue. Le premier a la mainmise sur le lieu de vie du second, du montant de son loyer à son décompte de chauffage. De la même manière qu’entre un salarié et son employeur, il y a entre locataire et propriétaire une inégalité des parties. En garantissant un accès gratuit au tribunal des baux, comme c’est d’ailleurs le cas pour les prud’hommes, le peuple vaudois a voulu prendre en compte ce déséquilibre.

Un choix qui se révèle particulièrement judicieux dans le contexte actuel. Rarement le marché de logement n’a en effet été aussi tendu, avec une pénurie qui dure depuis maintenant presque dix ans. Cette situation se ressent sur le niveau des loyers, en particulier lors de changements de locataires. Sur l’arc lémanique, au cours des trois dernières années, les loyers ont progressé trois fois plus vite que le coût de la vie !

En imposant cette révision du Tribunal des baux, la droite, majoritaire au Grand Conseil, est passée outre les intérêts d’une majorité de la population, locataire à plus de deux tiers dans ce canton ! En voulant restreindre l’accès à la justice plutôt que d’en renforcer les moyens, elle ignore une réalité : contrairement à ce que prétendent les milieux immobiliers, les demandes introduites devant le tribunal des baux par des locataires le sont le plus souvent pour des motifs pertinents. Si le tribunal se retrouve aujourd’hui surchargé, c’est d’abord parce que les pratiques abusives des bailleurs demeurent trop nombreuses. Percevoir une avance de frais aura pour seule conséquence que certains hésiteront demain à faire valoir leurs droits. La justice n’en sortira pas grandie. Le 26 septembre prochain, n’hésitez donc pas une seconde. Dites non ! Pour un tribunal des baux juste et accessible.