Déposée par Yusuf Kulmiye, conseiller communal, le 9 septembre 2025.
Ces derniers jours, nous avons appris, lors de la conférence de presse de la Municipalité de la Ville de Lausanne, l’existence de deux groupes WhatsApp internes à la police lausannoise, dans lesquels circulaient des messages et des images à caractère raciste, sexiste, validiste et LGBTIphobe. À ce stade, huit agents ont été suspendus. Cet épisode est grave. Il ne s’agit pas de simples propos déplacés tenus en privé, ni d’un humour consternant entre collègues pour décharger la pression du travail. Non : il s’agit de dérives répétées, tolérées dans un cadre collectif, qui relèvent de comportements discriminatoires. Ces pratiques viennent ébranler profondément la confiance que la population peut avoir envers son corps de police, ainsi qu’envers une institution qui apparaît comme défiant sa mission et ses engagements envers les Lausannoises et Lausannois.
Ce scandale ne tombe pas de nulle part. La gauche lausannoise se préoccupe de ces questions depuis longtemps. Rien que durant cette législature, six interventions dans ce plénum, portées par quatre conseillères et conseillers socialistes, ont évoqué cette thématique. Lors du rapport de gestion 2023 également, la commission de gestion a soulevé la question. Le Parti socialiste lausannois a toujours été soucieux de ces enjeux, notamment à travers son programme de législature, mais également via les dépôts répétés de ses conseillères et conseillers communaux en faveur d’une police lausannoise qui protège l’ensemble de la population sans distinction. Pourtant, la réponse municipale, en particulier celle du Municipal en charge de la police, est demeurée la même : se retrancher derrière l’argument de cas individuels, rappeler qu’une enquête administrative interne est en cours et qu’il n’y a pas lieu de se prononcer tant que les procédures ne sont pas terminées.
Or, les révélations actuelles démontrent exactement l’inverse. Nous ne sommes pas devant des cas isolés, mais face à une problématique profonde et collective au sein du corps de police lausannois. Celle-ci prend la forme d’un racisme et d’un sexisme systémiques, ainsi que d’une culture du silence qui, au lieu de corriger les dérives, les banalise et les laisse perdurer.
Les signes de ce dysfonctionnement sont visibles bien au-delà de ces conversations WhatsApp. Ils se reflètent dans les chiffres : un taux de rotation de 11 %, le plus élevé de la Ville ; des démissions en série ; une difficulté chronique à repourvoir les effectifs. En parallèle, Lausanne est confrontée à une situation sécuritaire complexe, notamment dans l’hypercentre, qui exige une police pleinement en mesure d’assumer ses missions. Des missions qui ne devraient pas être uniquement répressives, mais aussi contribuer à assurer une cohésion sociale entre toutes et tous. Le risque est aujourd’hui clair : un corps de police fragilisé de l’intérieur qui est moins apte à remplir son rôle fondamental — protéger la population sans distinction et exercer son pouvoir délégué avec la mesure et la responsabilité qui s’imposent.
Dans ce contexte, il ne suffit plus de répondre par des mesurettes, ni de se contenter d’attendre la fin de procédures disciplinaires actuelles ou à venir. Les réformes doivent être à la hauteur de l’enjeu. Elles doivent aller au-delà de correctifs ponctuels pour repenser l’institution dans son ensemble, changer une culture de travail qui perdure, et mettre en place des mesures réellement institutionnalisées, capables de transformer durablement le fonctionnement interne de la police lausannoise. Regagner la confiance ne pourra se faire que dans ce sens.
Au regard de ce qui précède, nous adressons les questions suivantes à la Municipalité :
- Comment la Municipalité explique-t-elle que la situation ait pu se dégrader à ce point, au point qu’il ait fallu attendre une plainte externe pour que ces révélations émergent ?
- Comment la Municipalité compte-t-elle concilier une réforme en profondeur du corps de police avec la nécessité de garantir en tout temps que la mission sécuritaire et de protection de la population soit assurée ?
- Au vu du taux élevé de rotation, des démissions et de la difficulté chronique à repourvoir les effectifs du corps de police, la Municipalité établit-elle un lien entre ces difficultés et la culture de travail ainsi que cette problématique structurelle de l’institution ?
- Quelles mesures concrètes et institutionnalisées seront mises en place pour transformer durablement la corporation et éviter la répétition de tels scandales ?