Déposée par Samson Yemane, conseiller communal, le 9 septembre 2025.
Camila, 14 ans, a tragiquement perdu la vie le 30 juin après avoir tenté d’échapper à la police lors d’une intervention. Moins de deux mois plus tard, le 23 août, Marvin, 17 ans, a également trouvé la mort dans des circonstances quasi identiques. Ces deux drames ont profondément choqué la population lausannoise, suscitant une vive émotion, des marches silencieuses, et une remise en question du rôle et de la responsabilité de la police dans des poursuites mettant en danger des adolescents mineurs.
De surcroit, les révélations récentes au sujet des propos racistes, sexistes et discriminatoires de manière générale au sein de la police lausannoise ont également suscité des critiques. Elles ont fragilisé, voire rompu, la confiance entre une partie significative de la population et son corps de police – une confiance pourtant indispensable à la cohésion sociale et à la sécurité publique.
Le groupe socialiste refuse fermement les arguments qui consistent à minimiser ou à délégitimer le ressenti des personnes discriminées. Nous rejetons également l’idée dangereuse d’une prétendue « tyrannie des minorités » qui viendrait limiter la liberté d’expression. Cette rhétorique détourne l’attention du problème réel : des discriminations systémiques et structurelles qui ne sont pas le fait de quelques « brebis galeuses », mais le produit d’une culture institutionnelle.
En effet, le dysfonctionnement observé ne se limite pas à des comportements individuels inacceptables (comme dans les groupes WhatsApp récemment dénoncés). Il s’agit aussi d’une banalisation institutionnelle : une culture où les propos et pratiques discriminatoires sont minimisés, tolérés, voire ignorés comme le disent précisément certains policiers. C’est précisément cela qu’on appelle le racisme structurel : un système où l’institution, en prétendant protéger une population, ne traite pas toutes les problématiques – ici en occurrence des propos racistes – avec la même considération.
Les conséquences sont lourdes. Trop souvent, les personnes racisées subissent des interactions policières plus violentes, plus intrusives ou plus humiliantes que d’autres. Plusieurs drames en témoignent. Notre responsabilité politique est claire : reconnaître cette réalité et engager des changements profonds, dans le cadre légal et institutionnel qui relève de nos compétences communales.
À l’heure où la Municipalité a annoncé de grandes réformes, le groupe socialiste souhaite des garanties et des précisions sur plusieurs points essentiels, notamment en matière de recrutement, de formation et de supervision managériale.
Nous adressons donc les questions suivantes à la Municipalité :
- Diversité et représentativité : Pour répondre au racisme structurel, de nombreux experts soulignent l’importance d’une police diversifiée. Aujourd’hui, la présence de personnes racisées au sein du corps lausannois reste marginale. Quelles mesures concrètes sont mises en place pour diversifier les profils et garantir une meilleure représentativité ?
- Lien de proximité : Face à la perte de confiance manifeste entre une partie de la population lausannoise et sa police, quelles actions concrètes ont été imaginées pour retisser le lien avec les différentes communautés, en particulier celles qui se sentent discriminées, et la Municipalité est-elle prête à renforcer significativement ces initiatives de proximité pour restaurer une confiance durable ?
- Ancrage local : La proximité entre la police et la population passe aussi par une bonne connaissance du territoire et les habitant-e-s. Quelle proportion d’agent-e-s de police lausannois vivent effectivement à Lausanne ?
- Formation obligatoire sur le racisme structurel : Actuellement, la formation sur le racisme structurel est optionnelle, et peu de policiers s’y inscrivent volontairement. Suite aux révélations récentes, la Municipalité entend-elle rendre cette formation obligatoire pour l’ensemble du corps de police ?
- Rééquilibrer les priorités de formation : La formation policière obligatoire est aujourd’hui fortement axée sur les modules tactiques et opérationnels, au détriment des sciences humaines (sociologie, psychologie, gestion des conflits, etc.). La Municipalité prévoit-elle de mieux équilibrer cette offre afin de renforcer les compétences relationnelles et la compréhension des enjeux sociaux ?
- Prévention des dérives par supervision : Les métiers d’urgence exposent à un stress chronique, à des émotions intenses et parfois à des traumatismes. Au-delà du soutien psychologique ponctuel pour des situations dites graves, existe-t-il une véritable culture de supervision régulière (en groupe) permettant de prendre du recul, partager les expériences au moyen d’outils tel que l’analyse des pratiques professionnelles et prévenir l’ancrage de pratiques problématiques ?