Déposé par Sarah Neumann, conseillère communale — Postulat du 19 novembre 2024

Le commerce de détail est en souffrance. L’accès mondialisé à tous les produits du monde depuis son salon en est une raison majeure. Malgré une sensibilité croissante de la population à la nécessité de consommer près de chez soi, des habitudes ont été prises et notre société de vitesse, de trop-plein et d’impatience nous éloigne des magasins dits «traditionnels» – petits commerces ou grandes enseignes.

Pourtant, nous sommes nombreux à nous accorder sur le fait que le plaisir de circuler au centre d’une ville et dans les quartiers est lié à une offre commerciale diversifiée et qualitative. Rien ne vaut le contact de visu avec le livre, le vêtement ou l’objet que l’on souhaite s’offrir, rien ne vaut le précieux conseil du personnel de vente spécialisé pour arrêter un choix, et le plaisir de voir emballer le cadeau prévu pour un proche. Sans compter que des rues dynamiques, des vitrines chaleureuses, amènent un sentiment de bien-être dans une période où l’espace public est, pour différents motifs, sous pression.

Dans les dernières semaines, plusieurs objets ont été mis à l’ordre du jour de notre Conseil par les différents groupes politiques. Entre la création d’un poste de «délégué·e» – le débat a été vif sur le titre –, des propositions de mesures spécifiques pour certaines zones commerçantes de la ville, les conseillères et conseillers communaux sont préoccupés – même si pas toujours accordés sur le chemin à prendre.

Il faut relever que les tensions sont parfois vives entre les commerçants et la Police du Commerce, renommée depuis 2016 Service de l’économie, chaque tentative d’animer les rues et de renforcer l’activité de vente par des propositions inédites ayant été scrutées avec une très (trop) grande rigueur, poussant les acteurs à réduire leur créativité au strict essentiel, et ceci depuis de longues années.

Dans son édition d’automne 2024, le magazine Economie Région Lausanne consacrait un bon dossier aux enjeux du commerce lausannois. Il relevait les défis qui se présentent pour le maintien de la vitalité des centres-villes et posait dix recommandations, commençant par l’établissement d’une stratégie claire.

Dans le contexte de la pandémie et de ses conséquences, des mesures avaient été prises pour soutenir les enseignes lausannoises, souvent en collaboration avec des associations les représentant: soutien aux bons d’achats Enjoy, facilitation de l’aménagement de terrasses pour les cafés-restaurants, etc. Nous les saluons et nous estimons qu’il convient de s’interroger à nouveau sur les besoins du commerce local.

A la veille de la période de décembre, cruciale pour le secteur de la vente, nous demandons à la Municipalité de poser une vision stratégique globale pour les commerces établis en ville, prenant en compte différents axes qui nous semblent devoir être traités en complémentarité les uns des autres plutôt qu’au coup par coup. A l’image du travail réalisé dans le domaine touristique en collaboration avec Lausanne Tourisme, la stratégie déployée devrait idéalement permettre de fédérer les acteurs du secteur autour d’axes de travail concrets et assortis des moyens financiers correspondant. Dans le contexte fragilisé du commerce de détail, une vision globale permettrait aussi d’espérer trouver un consensus politique autour des actions proposées.

Nous souhaitons que la perspective intègre les enjeux climatiques et les nouvelles mobilités urbaines, la protection des conditions de travail du personnel de vente, et l’amélioration de la qualité de l’accès et de l’animation du centre-ville historique d’une part, des rues commerçantes des quartiers, d’autre part.

Le présent postulat demande donc à la Municipalité de se doter d’un plan d’actions et d’une stratégie claire pour maintenir l’attractivité et la vie commerciale en ville.

Parmi les pistes suggérées, le plan pourrait notamment intégrer:  

  • la facilitation et le soutien de manifestations et animations proposées par les enseignes commerciales (mesures organisationnelles, tarifs, etc.);
  • des campagnes de promotion de la ville et de ses enseignes à l’échelle cantonale et nationale, voire l’élaboration de guides à destination de la population locale comme des visiteur·ses et touristes;
  • la montée en puissance du dispositif Enjoy et une évolution vers la dématérialisation du système de carte d’achat ;
  • une information sur la disponibilité des places dans les grands parkings publics sous-terrains ou en étages pour les personnes se déplaçant en voiture (p.ex. information en direct via un applicatif), qui pourrait être articulée avec les temps/distances à parcourir à pied pour accéder aux différents magasins;
  • un renforcement et l’extension à différents quartiers de dispositifs de livraison à domicile par groupes de commerces, avec tarifs préférentiels pour les personnes âgées et/ou en difficulté de se déplacer;
  • une réflexion globale sur la signalétique des quartiers commerciaux et des enseignes qui y sont installées;
  • un soutien à la digitalisation des boutiques établies en ville qui souhaiteraient développer une offre complémentaire en ligne ou un modèle de click & collect;
  • des mesures d’accompagnement à la transformation et rénovation des commerces pour favoriser leur pérennité;
  • une priorité donnée à l’ouverture et à l’accompagnement des boutiques indépendantes et chaînes nationales par rapport aux grands groupes internationaux, afin d’éviter l’effet centre-ville mondialisé qui enlève leur spécificité et leur attrait à nombre de petites et moyennes villes;
  • l’intégration des enjeux et besoins rencontrés par les grands magasins dans les politiques déployées, dont la présence et la diversité d’offre sont essentielles au maintien de l’attractivité du centre urbain;
  • la prise en considération, dans l’analyse et les projections, de l’hyper-centre économique d’une part (vieille ville, axe Chauderon-Saint-François, Flon), mais aussi des petites zones commerciales de quartiers qui sont à préserver impérativement (Grancy, Avenue d’Echallens-Avenue de France, Chailly, Avenue de Cour, Marterey-Ours, etc.);
  • enfin, une démarche qui soit concertée avec les acteurs concernés, à savoir les responsables des commerces des différents quartiers, boutiques comme grandes enseignes, et avec les associations les représentant (SCCL, FCL, Declic, etc.).