Déposé par Caroline Devallonné Dinbali, conseillère communale — Postulat du 1er octobre 2024

Lors de la séance du 12 juin 2024 du conseil communal de Lausanne, une interpellation urgente déposée par Johann Dupuis concernant la rémunération des conductrices et des conducteurs de taxi a été traitée.

Elle faisait suite à un article du 24 heures qui rapportait le témoignage d’un chauffeur de taxi lausannois travaillant de nuit et à plein temps pour un total de plus de 50 heures par semaine et gagnant en 2023 une somme de CHF 2’000.- par mois. Ce chauffeur travaille pour l’une des deux centrales de taxi de la région lausannoise qui en l’occurrence rémunère ses employés en fonction d’un pourcentage appliqué au chiffre d’affaires réalisé. Ce qui n’offre aux employés aucune forme de protection salariale.

Selon le Professeur de Droit Jean-Philippe Dunand cité par 24heures, : « la jurisprudence a précisé qu’un chauffeur professionnel ne doit pas gagner moins de 4000 francs par mois (pour un service de jour) ou de 5000 francs (pour un service de nuit). »

L’interpellation questionnait notamment les éléments suivants :

  • La connaissance du niveau de rémunération scandaleusement bas d’une partie des conductrices et conducteurs employés par les compagnies de taxi de la région lausannoise.
  • La légalité ou l’équité de la politique salariale pratiquée par les entreprises de taxi qui sont autorisées sur le territoire lausannois.
  • L’attribution de concessions à des compagnies de taxi dont la politique salariale ne respecte pas la jurisprudence cantonale en matière de salaire minimal.
  • L’application de l’art. 98 du règlement intercommunal sur le service des taxis qui donne la compétence de vérifier le respect des conditions d’octroi auprès des exploitants de taxi et même de leur retirer l’autorisation en cas de faute grave ou répétée qui ne donne pas lieu à des contrôles ou à des retraits, alors même que la jurisprudence cantonale est claire quant au non-respect du critère de salaire minimum cité à l’art. 17i des prescriptions d’application comme condition d’octroi.

Les réponses données par M. Hildbrand, en tant que municipal sécurité et économie ainsi que président de l’Association intercommunale des taxis nous ont appris que :

  • La Municipalité de Lausanne n’est pas au courant des salaires exacts de la profession. L’Association intercommunale des taxis est une autorité de régulation de l’activité et n’a pas de compétence pour interférer dans la relation privée entre le chauffeur et son employé ou entre la compagnie et ses chauffeurs.
  • Le salaire minimum n’existe pas dans le Canton de Vaud et ne peut dès lors pas être un critère afin d’obtenir une concession. Il est toutefois prêté une attention particulière à ce que les obligations légales, telles que l’affiliation auprès des caisses AVS, soient respectées.
  • La profession de taxi n’a pas de convention collective, contrairement à d’autres professions du monde des transports.
  • En matière de durée du travail et du repos, les conductrices et conducteurs sont soumis à l’OTR 2. Les contrôles peuvent être effectués par la police, respectivement par le Canton, article 59 de la loi. Les conductrices et conducteurs de taxis actifs à Lausanne qui souhaiteraient obtenir des renseignements sur les démarches qu’il est possible d’entreprendre en cas de litige avec leur employeur peuvent solliciter la permanence de l’inspection du travail.

L’employé a un rapport de subordination. Il doit son temps à son employeur. En contrepartie, l’employeur doit lui assurer un revenu digne et qui respecte le cadre légal, ce qui ne semble pas être garanti. L’exemple cité dans l’interpellation questionne sur le taux du salaire horaire. Il semble que de nombreux taxis doivent effectuer un nombre démesuré d’heures, ce qui ne leur assure même pas un revenu minimum. Il est donc légitime de questionner la manière dont les salaires sont calculés. L’octroi des concessions est donc un levier qui devrait permettre de définir des critères minimaux. Il ne s’agit pas forcément d’intervenir dans une relation contractuelle entre employeur et employé, mais de définir des conditions à l’octroi des concessions.

L’article 17i comporte de nombreux facteurs de pondération d’octroi des concessions. Il y est notamment indiqué « Le directeur de la compagnie peut attester d’une bonne politique patronale (not : salaire minimum, égalité entre homme et femme, formation) ». Ce critère peut octroyer un point avec une pondération de 2. Il serait peut-être temps de donner une plus grande importance à ces éléments centraux dans les conditions de travail des employés de la compagnie.

Conclusion :

Le présent postulat invite le Comité de direction de l’association de communes de la région lausannoise pour la réglementation du service des taxis à étudier l’opportunité d’amender les articles 17 et suivants des prescriptions d’application du règlement intercommunal sur le service des taxis afin d’introduire des critères supplémentaires ou de renforcer les critères existants en ce qui concerna la prise en considération de la politique salariale de l’entreprise dans l’évaluation des offres soumises lors de l’octroi de concessions.