Parti socialiste lausannois

Postulat — La fin des quartiers populaires, le début d’une meilleure justice sociale

Déposé par Mountazar Jaffar, conseiller communal – Postulat du 16 mai 2023

Avec 7845 logements subventionnés sis sur son territoire en 2021, la Ville de Lausanne fait mieux que tout autre ville en Suisse en matière de logement social. 10% du parc locatif de la ville appartient à la catégorie des logements à loyer modéré (ou subventionnés), contre seulement 1% à Zurich ou 4% à Genève. Cette offre tend par ailleurs à croitre au fil des années en raison de la proactivité de la Ville en matière de création de logements d’utilité publique. De nombreux ensembles de logements récemment construits garantissent en effet une certaine mixité sociale, mêlant souvent des appartements à loyer modéré, à loyer abordable et à loyer libre. Ce principe des trois tiers en matière de logements permet ainsi d’éviter que des populations au profil socio-économique similaire se concentrent en un endroit particulier.

Ce paradigme de la politique urbaine est toutefois relativement récent. Un certain nombre de quartiers lausannois à logements subventionnés ont été créés durant les années 60 et 70 afin de répondre à la crise du logement en proposant des appartements à bas prix. L’un des exemples type de cette action politique est le quartier de la Bourdonnette qui fête cette année ses 50 ans, ou encore celui de Praz-Séchaud. Ces quartiers concentrent aujourd’hui des populations homogènes à faible revenu et ce au sein de constructions vieillissantes. En outre, en juin 2021, près de 40% de tous les logements subventionnés proposés à Lausanne se situent au sein de 3 quartiers et secteurs de la Ville : le quartier de la Bourdonnette avec 493 logements, le quartier de Praz-Séchaud avec 788 logements, et le secteur de la Borde en y incluant les logements sis à entre-bois, aloys-fauquez, pavement, forêt, ancien-stand et vieux-moulin :

Nous comprenons donc que ces quartiers bénéficient d’une très faible mixité sociale contrairement à leurs contemporains, ce qui pose certains problèmes en termes de reproduction sociale et de stigmatisation. De plus, l’activisme de la Ville en matière de création de LUP et de LLM a son revers de la médaille : ces logements paraissent désormais moins attractifs aux yeux des ayant droit, qui portent leur préférence sur les logements subventionnés nouvellement construits, mettant ainsi dans une difficulté croissante les gérances des premiers quartiers. Ceci a également pour conséquence de concentrer au sein des anciens quartiers LLM les populations aux revenus les plus bas, soit celles ne pouvant pas se permettre de payer les nouveaux LLM souvent légèrement plus chers.

Pour ces raisons, nous pensons qu’il est important d’agir afin d’offrir à ces quartiers ainsi qu’à leurs habitants un renouveau. Pour ce faire, nous considérons que dans un premier temps, pour des quartiers fortement homogènes tels que ceux précités, des estimations quant aux besoins et possibilités de travaux de rénovation devraient être effectués, tant du point de vue technique que celui de la qualité offerte par ces appartements. Pour un quartier tel que celui de la Bourdonnette, certains travaux majeurs et nécessaires devront prochainement être entamés, ce qui constitue une occasion de réfléchir aux autres possibilités de rénovation et de requalification afin de rendre les appartements ainsi que les espaces de vie extérieurs plus attractifs. Nous pouvons notamment ici penser aux cuisines fonctionnant encore au gaz et qui périclitent chez de nombreux locataires en raison de la faible qualité des matériaux utilisés lors de la construction. Dans un deuxième temps, nous proposons à la Ville de réfléchir aux possibilités existantes afin de créer de la mixité sociale au sein de ces quartiers. L’un des leviers disponibles serait de soustraire du régime LLM un certain nombre d’appartements de ces quartiers et de les proposer sans condition de ressource, afin que des populations au profil socio-économique différent puissent également s’installer. Une autre mesure serait de réfléchir au potentiel de densification au sein de ces quartiers, en y proposant d’autres types de logements que les LLM. Ces deux éventualités peuvent par ailleurs parfaitement se combiner. Nous faisons ainsi l’hypothèse qu’à terme, ces mesures participeront à une meilleure justice sociale ainsi qu’à mettre fin à la stigmatisation de certains quartiers et de leurs populations.

Pour toutes ces raisons, le présent postulat demande à la Municipalité d’étudier les propositions suivantes :

  • Amorcer dans un premier temps un plan de rénovation des appartements du quartier de la Bourdonnette et de requalification de ses espaces publics
  • Dans un second temps soustraire une partie des logements du quartier de la Bourdonnette du régime LLM –un tiers au maximum – en les proposant sans condition de ressource
  • Étudier et présenter les possibilités de densification offertes dans le quartier de la Bourdonnette afin d’y construire des logements à loyer abordable ou libre
  • Identifier les besoins similaires d’autres quartiers et examiner la faisabilité des trois premières propositions en ce qui les concerne
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