Postulat déposé par Roland Philippoz, Esperanza Pascuas et Muriel Chenaux Mesnier, le 9 novembre 2021
Une fois encore, le quartier de la Bourdonnette s’est rappelé à la mémoire des lausannois au gré d’une agression qui aurait pu avoir une issue tragique (septembre 2021). Bien que rares, ces événements mis en exergue contribuent à remettre sur le devant de la scène les difficultés rencontrées depuis des décennies par ce quartier populaire et multiculturel.
Issu de la crise du logement de la fin des années 60, suite au baby boom, ce quartier s’est développé loin de la ville, placé entre l’autoroute et la route cantonale. Dès son origine, le projet a été critiqué. Immeubles préfabriqués, bon marché, destinés à des locataires économiquement défavorisés. Confiés à la gestion de la FLCL (Fondation lausannoise pour la construction de logements), créée par la Ville à cet effet, les 493 appartements regroupés autour d’un centre sans voitures, offrant aux 1500 habitants et plus particulièrement aux enfants, des espaces sécurisés, avait pourtant de quoi séduire. Mais l’organisation des bâtiments en fait un espace replié sur lui-même, donnant l’impression d’être totalement fermé aux personnes qui n’y vivent pas. Les différentes enseignes, le supermarché, la Poste (avant sa fermeture), les commerces, le restaurant, ne sont pas bien visibles de l’extérieur et semblent réservés à l’usage exclusif des habitants du quartier. Difficile également de voir qu’il y a une école, un centre de vie enfantine et un centre de loisirs sans entrer totalement dans le complexe immobilier. En fait, c’est un peu comme un village, mais un village qu’on ne peut pas traverser. On l’imagine…et on le contourne de loin.
Deux documents donnent une vision intéressante de la Bourdonnette, une émission « Temps présent » de 1994 (https://www.rts.ch/archives/tv/information/temps-present/3436841-le-village-planetaire.html) et un travail de Master en architecture de l’EPFL d’Alice Fahkri « L’appropriation du logement social » de 2018 (dans ce travail, l’auteure propose d’ajouter un niveau aux immeubles et de laisser les appartements ainsi créés sur le marché libre). On y voit que le temps qui passe n’a eu que peu d’effets sur les représentations assez négatives qui se perpétuent, également pour ses habitants.
Avec la mise à disposition de nouveaux logements subventionnés et à loyers contrôlés, intégrés dans des ensemble immobiliers offrant également des appartements en marché libre, et proposant des équipements de qualité (les Fiches, les Plaines-du-Loup,…), l’écart se creuse avec les appartements subventionnés des années 70. Les loyers y sont plus élevés, mais les personnes qui répondent aux critères d’un logement subventionné n’hésitent pas, s’ils peuvent se le permettre , à payer 200 ou 300.- de plus par mois pour être dans un appartement neuf aux qualités architecturales qui n’ont rien à voir avec ce qui existe à la Bourdonnette et dans d’autres immeubles de subventionnés plus anciens ailleurs en ville. Le risque est grand de créer ainsi deux catégories de bénéficiaires de subventionnés, ceux plus précarisés se retrouvant en majorité dans les immeubles anciens, avec une possible ghettoïsation et une stigmatisation contre laquelle nous devons absolument lutter.
Une manière de contrer ce risque consisterait à améliorer de manière significative la qualité des logements et de leur environnement, en intégrant de nouvelles catégories d’habitants (par ex. colocations d’étudiants, appartements protégés pour les séniors, nouveaux appartements en marché libre). Également en assouplissant les règles qui permettent de rester dans un subventionné quand le revenu de la famille se modifie (par ex. un enfant devenu adulte et qui gagne un salaire, augmentant ainsi le revenu de la famille) ce qui diminuerait le taux de rotation des locataires et l’instabilité que cela génère pour les habitants. Le postulat de Mme Esperanza Pascuas, « Pour une mixité sociale à La Bourdonnette » du 27.11.2018, en attente d’une réponse de la Municipalité, va dans le même sens en demandant à la Municipalité « d’étudier l’opportunité d’expérimenter, dans le quartier de la Bourdonnette, la sortie du subventionnement pour des logements habités, selon certaines conditions, afin de favoriser la stabilité et la cohésion sociale du quartier ».
Les futurs développements de la ville, en particulier le nouveau quartier des Prés-de-Vidy, et le développement du site des Hautes écoles, devraient constituer des vraies chances pour désenclaver la Bourdonnette et lui donner la chance de modifier son image négative, en premier lieu pour ses habitants, qui pour certains ne rêvent que de s’en aller et pour d’autres ont un sentiment de honte quand ils doivent dire qu’ils habitent là.
Ce postulat souhaite que la Municipalité étudie toutes les possibilités pour sortir le quartier de la Bourdonnette de son isolement et améliorer son image en intervenant
– Sur la composition de sa population par l’assouplissement des règles d’accès aux logements
– Sur le plan architectural en adaptant des immeubles et en créant de nouveaux appartements pour les proposer dans la catégorie des loyers contrôlés et du marché libre
– En améliorant l’environnement des immeubles pour augmenter la qualité des espaces communs, des places de jeux et permettre plus de convivialité
– Sur le plan urbanistique, en le connectant aux nouveaux quartiers qui vont se développer dans cette portion de la Ville en créant et en améliorant les circulations piétonnières et les dessertes en transports publics
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