Vrais employeurs contre faux indépendants

Jean Tschopp, député, vice-président du Groupe socialiste au Grand Conseil. Opinion parue dans le 24heures du 3 juillet 2019

Imaginez-vous chauffeur. Vos tarifs et trajets vous sont imposés. Vos passagers notent vos prestations sans que vous y ayez accès. De mauvaises évaluations ou/et plaintes vous privent de tout accès à l’application qui est votre outil de travail, vous laissant sans emploi du jour au lendemain. Malgré cette dépendance, on vous refuse le statut de salarié en vous considérant comme un indépendant. Cette impasse est celle des chauffeurs Uber. L’économie « de plateforme » présentée comme la simple mise en relation d’un « indépendant » et de son « client » est souvent une illusion. En réfutant tout statut d’employeur, Uber transfère ses charges (assurances, véhicule) sur les chauffeurs. Confrontée à l’agilité d’Uber à contourner les règles, la majorité de droite du Grand Conseil a pourtant fermé la porte à toute demande de contrôle portée par le Parti socialiste et la gauche dans la nouvelle loi vaudoise sur les taxis/VTC.

Si le monde du travail régresse vers une négation du statut d’employeur aux détriments de faux indépendants, nous échouerons dans notre action contre la précarité. La condamnation d’Uber par la Suva, puis ce printemps, par le Tribunal de Prud’hommes de Lausanne, n’a pas remis en cause son entêtement à fuir ses responsabilités contestant la compétence de nos autorités et l’application de notre droit (à tel point qu’un ministre genevois a comparé cette attitude à celle « d’invasions barbares »). Si les autorités de recours confirment ces condamnations, les chauffeurs pourront réclamer leurs cotisations AVS sur toutes les courses effectuées jusqu’à cinq ans en arrière.

Mon activité de juriste à Unia me montre que l’approche  d’Uber déteint sur des travailleurs de secteurs tout aussi exposés : livraison à domicile, ménage, économie domestique, plomberie. Ce contexte doit renforcer notre détermination à combattre les tentatives déjà bien avancées de conseillers nationaux PLR pour la création d’un statut de « travailleur de plateforme », affaiblissant la protection des employés. Il en va de la protection des droits des travailleurs, mais aussi du combat contre la concurrence déloyale. Être employeur c’est assumer un risque économique et des responsabilités. Les entrepreneurs qui respectent les règles ne doivent pas être pénalisés. En 2018, l’Entraide Protestante Suisse (EPER) annonce 5020 employés domestiques vaudois bénéficiant d’une couverture sociale via Chèques-emploi, un nombre jamais atteint auparavant. De nouveaux efforts sont nécessaires pour sortir plusieurs autres travailleuses et travailleurs de l’ombre et pour nos retraites. La technologie génère de nouveaux emplois dans l’économie numérique et il faut s’en réjouir. Mais elle ne doit pas servir de prétexte pour créer un statut de faux indépendant ou de travailleur de seconde zone. Dans notre combat sans relâche contre la précarité, nous sommes à leurs côtés.

Jean Tschopp, député, candidat PS au Conseil national

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