Parti socialiste lausannois

Postulat -Changer la ville pour préserver le climat: Pour un plan de développement convergeant des réseaux de gaz et de chauffage à distance.

samedi 3 octobre 2015 ARC Jean-Bernard Sieber

Postulat déposé par Romain Felli, conseiller communal, le 9 avril 2019

Avec le transport, le chauffage est la principale source d’émissions de CO2 en Suisse. Et les émissions de CO2 constituent la principale cause anthropique du réchauffement climatique contre lequel nous souhaitons toutes et tous lutter, car ses effets à proche, moyen et long terme sont dévastateurs. Pourtant les services rendus par le chauffage sont absolument nécessaires : pouvoir vivre et travailler toute l’année dans des conditions saines et agréables.

Bien avant le défi climatique, la question du chauffage a été une question énergétique, une question environnementale (pollution de l’air) et une question sociale. La création d’un réseau centralisé de production de chaleur à distance – plus efficace énergétiquement, moins polluant et moins cher que la multiplication des chaufferies dans chaque immeuble – en est l’illustration. En produisant de la chaleur de manière centralisée, notamment avec l’appui de l’énergie renouvelable (déchets et biomasse) fournie par l’usine Tridel, notre ville, via ses Services industriels, est l’héritière des investissements consentis au siècle dernier – et des renouvellement que nous, conseil communal, approuvons année après année pour entretenir et étendre ce réseau.

A ces objectifs classiques du service public du chauffage à distance (CAD), nous pouvons maintenant rajouter l’objectif climatique. Le remplacement du chauffage au mazout individuel par de la chaleur produite collectivement grâce à des sources renouvelables amène une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre – et améliore la qualité de l’air locale. Ainsi, une mesure climatique concrète et quantitativement importante consiste à développer le réseau de CAD et de fournir un objectif de remplacement par le CAD des sources de production de chaleur plus polluantes. Par ailleurs, du point de vue de l’adaptation aux effets des changements climatiques, le réseau de CAD peut aussi amener des bénéfices (voir le postulat Thièry que nous déposons en même temps).

Le cas du réseau de gaz est plus problématique. Bien qu’il contribue nettement moins que le charbon ou le pétrole au réchauffement climatique, le gaz naturel n’en est pas moins une énergie fossile et à ce titre la réduction de son utilisation est nécessaire. Source de revenu pour les SIL et par extension pour les finances communales, la vente de gaz naturel constitue une source de pollution intenable à long terme – même si le gaz naturel a un rôle à jouer comme énergie de transition.

A notre connaissance, depuis le rapport au postulat Perrin de 2004 – et sous réserve d’extensions ponctuelles du réseau de CAD, comme la création de la société CADOUEST en 2011 – aucune stratégie globale de développement du réseau de CAD n’a été présentée au Conseil communal. Le développement du réseau de distribution du gaz semble se limiter à sa densification – pour les raisons mentionnées plus haut.

Le développement souhaitable du réseau de CAD rencontre plusieurs contraintes, à commencer par la disponibilité des sources de production de chaleur (au-delà de l’usine Tridel), par la complémentarité/concurrence avec d’autres sources de chaleur (à commencer par le réseau de gaz des SIL) et par l’emplacement d’éventuelles nouvelles unités de production de chaleur (problématique de l’implantation d’entités industrielles en milieu urbain : disponibilité du foncier, hauteur des cheminées, éloignement des autres bâtiments, etc.). Une planification directrice doit permettre d’identifier le plus en amont possible ces problèmes et les manières de les résoudre.

Pour des raisons climatiques et environnementales, on peut ainsi imaginer une croissance du CAD et une diminution du réseau de gaz. Pourtant, de nouvelles approches (convergence des réseaux) proposent d’organiser les réseaux conjointement plutôt que séparément. (La réflexion porte aussi sur l’intégration au réseau d’électricité). Il s’agit d’utiliser les atouts des différents réseaux afin de les rendre interopérables – cette interopérabilité doit permettre d’assurer une meilleure efficacité énergétique, environnementale et économique. A ce titre elle contribue fortement aux objectifs de réduction des émissions de CO2 liées aux chauffage. La gestion dite intelligente de ces réseaux (smart grid), autrement dit leur intégration et commande numérique accrue, permet une plus grande efficacité dans l’utilisation des ressources et la gestion de l’énergie.

L’exemple le plus connu – et déjà pratiqué – de convergence sont les technique de cogénération (couplage force chaleur) qui permettent à partir du gaz de produire de la chaleur et de l’électricité. Mais il est aussi possible d’utiliser le gaz pour stocker de l’énergie excédentaire (processus dit « power-to-gas») – par exemple celle produite par les panneaux solaires et autres énergies renouvelables. Par un processus de méthanation (dont le CO2 pourrait provenir d’une solution de capture de CO2 – cf. postulat Brayer déposé en parallèle) du méthane peut être produit avec les surplus énergétiques du photovoltaïque en été, puis réinjecté dans le réseau lors d’un pic de demande pour produire de l’électricité et de la chaleur (cogénération). La méthanation produit aussi de la chaleur qui pourrait être réinjectée dans le réseau de CAD. Ainsi le réseau de gaz actuel plutôt que d’être démantelé peut prendre une importance nouvelle dans le futur pour créer des capacités de stockage de l’énergie (voir le postulat Teuscher déposé en parallèle)– capacités devenant cruciales lorsque notre système énergétique dépendra beaucoup plus qu’aujourd’hui des énergies renouvelables (en grande partie liées aux cycles naturels donc intermittentes).

Afin de répondre aux enjeux climatiques, le développement du réseau de CAD peut s’appuyer sur les développements technologiques les plus récents. En particulier, les expériences des SIL en matière de production et utilisation de biomasse (à la ferme des Saugealles), l’intégration de la STEP dans le réseau du CAD (chaleur des boues) ou l’intégration des pompes à chaleur et de la géothermie de plus en plus profonde (projet Sirius) nous semblent être des exemples à suivre et amplifier.

Parmi les développement à étudier, y compris sous forme de projets pilotes, concernant plus spécifiquement le CAD, on peut noter :

  • Les possibilités offertes par la cogénération (couplage force-chaleur)
  • L’utilisation des échanges thermiques (chaud ou froid) avec les eaux superficielles (celles du Lac Léman par exemple).
  • l’intégration de la géothermie dans le réseau de chauffage à distance pose la question du refroidissement des sols et, inversement de leur possible régénération. A cet égard les possibilités d’utiliser les excédents de production électrique – notamment solaire – pour régénérer la chaleur des sols devrait aussi être traitée dans la planification.

Avec les travaux du Plan directeur communal, le moment nous semble idéal pour que la Municipalité présente une nouvelle planification directrice convergente du CAD et du gaz (voire du réseau électrique) qui intègre pleinement les objectifs climatique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les objectifs de qualité de l’air urbain. Les revenus aujourd’hui amenés aux Services industriels par la vente du gaz devraient en partie être affectés à la planification de ce développement – et aux investissements qu’il nécessitera. Mais ces investissements permettraient d’accroitre la qualité de vie et de confort des Lausannoises et Lausannois tout en réduisant leurs émissions de CO2.

Conclusions :

Le présent postulat invite la Municipalité à étudier l’opportunité de présenter au Conseil communal une planification conjointe du développement du réseau de chauffage à distance et de gaz (voire du réseau électrique) visant explicitement à réduire les émissions de CO2 liées au chauffage des bâtiments sis sur le territoire communal et dans la zone de desserte du réseau de CAD et gaz lausannois (en fixant des objectifs quantifiés de réduction).

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