Interpellation – Développer la médiation carcérale

Jean Tschopp, député, vice-président du groupe socialiste au Grand Conseil – interpellation déposée au Grand Conseil le 22 janvier 2019

La justice rétributive (ou justice traditionnelle) sanctionne tout dépassement de la norme légale, en condamnant l’auteur d’infraction(s). La justice restaurative considère l’infraction pénale comme un événement causant des dommages aux personnes, aux relations et aux biens, et se donne pour objectif de réparer ces dommages. La justice restaurative vise la reconstruction de la victime, la responsabilisation de l’auteur et la prévention de la récidive. Cette forme de justice implique le consentement éclairé des parties et le concours d’un médiateur impartial, indépendant et formé à cet effet. La justice restaurative intervient en complément de la justice rétributive. Dans les Etats où la justice restaurative s’applique, elle aboutit à une réduction de la récidive entre 7% et 45%.1 La justice restaurative relève plutôt du droit fédéral. Dans sa réponse du 21.03.2018 à la consultation sur la révision du Code de procédure pénale (CPP), le Conseil d’Etat vaudois a demandé l’introduction d’une base légale pour développer la justice restaurative. La commission thématique des affaires juridiques du Grand conseil a également appelé de ses vœux au développement de la justice restaurative dans le cadre de sa propre réponse à la consultation. La commission du Grand Conseil, tout comme de nombreux autres milieux consultés, a demandé à ce que le lésé et le prévenu d’une infraction puissent se voir proposer un processus de justice restaurative à tous les stades de la justice restaurative.

La médiation carcérale est une forme particulière de médiation pénale intervenant après le jugement de l’auteur de l’infraction, durant sa détention dans un établissement pénitentiaire ou au cours d’un service de probation. Cette compétence relève des cantons. Composée de personnalités d’origines diverses (avocat, juriste, psychologue, médiateur, professeur de droit, sociologue), le comité de l’Association pour la justice restaurative en Suisse (AJURES) propose un modus operandi pour la mise en œuvre de la médiation carcérale. Habituellement, la médiation carcérale débute par une évaluation de sa faisabilité. L’AJURES consulte les assistants sociaux et éducateurs de l’établissement pénitentiaire pour identifier des détenus susceptibles de participer de façon constructive à la médiation pénale. La proposition est ensuite adressée au détenu concerné en accord avec la direction de l’établissement et en informant l’autorité d’exécution de peine. Le résultat obtenu n’a aucune incidence sur la peine ou le régime d’exécution. Dans un second temps intervient la phase de préparation. Les médiateurs de l’AJURES rencontrent les détenus intéressés pour s’assurer de l’opportunité de la démarche dans leurs cas. Le médiateur se met ensuite en relation avec l’avocat de la victime. Moyennant l’accord de la victime, le médiateur la rencontre pour lui expliquer la médiation et écoute ce qu’elle en attend. À tout moment, si la victime ou l’auteur souhaite arrêter la médiation, elle prend fin aussitôt. Enfin, la troisième étape prévoit la mise en œuvre de la médiation carcérale. Selon la volonté des parties, la médiation peut se faire de manière indirecte (par l’intermédiaire du médiateur) ou par une rencontre encadrée au sein de l’établissement pénitentiaire ou en-dehors, si l’auteur a déjà été libéré. L’auteur cherche alors à aider la victime dans son processus de guérison. La plupart du temps, la médiation carcérale consiste en des échanges personnels (informations sur l’infraction, ressenti des parties, contexte de l’acte). Elle peut déboucher sur un accord écrit entre auteur et lésé. Les coûts de la médiation carcérale sont faibles.

Là où elle s’applique, la médiation carcérale permet une meilleure prise en compte des attentes de la victime en vue de sa reconstruction. Pour les détenus et pour la direction (associée à la médiation carcérale), elle est un moyen efficace de favoriser la réinsertion sociale des auteurs d’infraction, qui constitue un des fondements de notre droit pénal.

Fort des soutiens manifestés récemment par le gouvernement et la commission des affaires juridiques du Grand Conseil en faveur de la justice restaurative, les député.e.s soussigné.e.s adressent les questions suivantes au Conseil d’Etat qu’il remercie d’avance pour ses réponses :

  1. Quels moyens le Conseil d’Etat envisage-t-il pour développer la médiation carcérale par l’intervention de médiateurs indépendants, externes à l’administration, dans les centres de détention pénitentiaires vaudois entre victimes et auteurs ?
  2. Comment le Conseil d’Etat pourrait-il s’adjoindre les compétences d’organismes externes spécialistes de la question, notamment l’Association pour la justice restaurative (AJURES) pour instaurer une médiation carcérale ?
  3. Quel échéancier le Conseil d’Etat imagine-t-il pour développer une médiation carcérale au sens indiqué à la question 1 ?
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