Bas les armes !

Jean Tschopp, député au Grand Conseil – Postulat déposé le 2 février 2016

En une année, les permis d’armes délivrés dans le canton de Vaud, principalement pour des pistolets et revolvers, ont augmenté de 18.8%, en passant de 2’354 en 2014 à 2’796 en 2015. Ce nombre est le plus élevé depuis quatre ans. Il correspond à l’augmentation moyenne de 20% observée en 2015 en moyenne nationale. À ce jour, le registre cantonal des armes en décompte 87’028. Aujourd’hui, 4% des Vaudois possèdent une arme, chiffre sans doute inférieur à la réalité puisque toutes les armes ne sont pas enregistrées.[1]

Selon les premiers éléments d’explication, la plus grande partie de cette hausse sensible de permis délivrés concerne des particuliers soucieux de leur sécurité personnelle et de celle de leur famille en lien avec la hausse des attentats terroristes, ou souhaitant se protéger en cas de cambriolage.[2]

N’ayant plus suffisamment confiance dans les forces de police, une partie de la population aspire à assurer elle-même sa propre protection. Pourtant, en Suisse, en cas d’agression ou de cambriolage, les règles sur la légitime défense ou l’état de nécessité sont strictes et doivent conduire la victime à faire appel en premier lieu aux forces de police.[3]

Par ailleurs, le 2 janvier 2016, le tir d’un avocat célèbre, victime d’un AVC, en direction de son aide-soignante, a interpellé beaucoup d’observateurs ne comprenant pas qu’un patient privé de tout ou partie de sa capacité de discernement, soit autorisé à porter une ou plusieurs armes à feu sans que l’équipe médicale puisse apparemment l’en empêcher.

Selon une étude internationale de 2012, la Suisse, se positionnait comme le 3e pays au monde avec la plus forte proportion de propriétaires d’armes à feu et le 2e pays développé avec le plus d’homicides par armes à feu.[1] Nous savons donc qu’il existe un lien étroit entre le nombre d’armes à feu en circulation et le nombre d’homicides.

Les Etats qui se sont engagés sur la voie d’une politique active de désarmement de leur population civile ont pu en peu de temps réduire sensiblement et durablement le nombre d’homicides et d’accidents. À titre d’exemple, l’Australie, en 1996, à la suite d’une tuerie provoquant la mort de 35 personnes a entrepris une politique particulièrement offensive portant sur le rachat des armes en circulation, sur un contrôle plus strict des transactions et sur la restriction des motifs de possession d’armes. En dix ans, ce programme a permis le rachat de 600’000 armes, soit 1/5 des armes en circulation entraînant une diminution du nombre d’homicides et de suicides par armes à feu de l’ordre de 60%.

En 2013, une telle opération de rachat des armes, par ailleurs prônée notamment par le criminologue Martin Killias, avait été brièvement envisagée. En définitive, l’opération Vercingétorix a pourtant été lancée sans incitation de ce type. D’abord conçue comme une collecte mensuelle des armes privées et démilitarisées, en 2015, Vercingétorix se limitait à cinq demi-journées de collecte annuelle, dans cinq emplacements à travers le canton. [2]

Dans son programme de législature, le Conseil d’Etat affichait sa détermination à lutter contre l’augmentation des violences et pour le renforcement de la sécurité.[3] La recrudescence des armes délivrées et du nombre d’armes en circulation, à son niveau le plus élevé depuis 2011, incitent à s’inspirer des programmes de désarmement de la population ayant fait leurs preuves dans d’autres Etats et à tout mettre en œuvre pour infléchir cette hausse.

Par conséquent, les député-e-s soussigné-e-s prient le Conseil d’Etat d’étudier toutes les mesures susceptibles de réduire sensiblement et durablement le nombre d’armes en circulation et leurs détenteurs et en particulier :

  1. le lancement d’une vaste campagne d’information et de prévention destinée à inciter les détenteurs de tous types d’armes à feu à les restituer et à dissuader tout requérant potentiel de s’en procurer
  1. la mise en place d’un système de rachat d’armes par l’Etat de Vaud auprès de leurs détenteurs
  1. l’obligation de restitution pour tous les patients ou résidents dans des établissements de soins, ainsi que pour les patients sous suivi psychiatrique et pour les personnes sous curatelle privées de discernement.

Nous demandons le renvoi du présent postulat à une commission.

[1] The Guardian, Gun homicides and gun ownership listed by countries, 22 juillet 2012 (chiffres tirés de l’Offices des Nations Unies contre le crime et la drogue).

[2] Bureau d’information et de communication du canton de Vaud, La collecte d’armes prolongée en 2015, 18 mars 2015.

[3] Programme de législature du Conseil d’Etat 2012-2017, 12 octobre 2012, mesure 1.2.

[1] Police cantonale, Communiqué de presse, 29 janvier 2016.

[2] Tages Anzeiger, Schütze sich, wer kann, 21 janvier 2016.

[3] Art. 15-18 CP.

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