Un jeu bien dangereux pour les finances publiques

Grégoire Junod – paru dans 24 heures du 21 janvier 2011

L’équivalent d’un café par mois pour éviter à des milliers de familles de recourir à l’aide sociale et limiter la croissance des dépenses publiques. Est-ce vraiment trop cher payé? L’UDC, les libéraux-radicaux et le Centre patronal s’attellent à nous le faire croire, tout affairés qu’ils sont à récolter des signatures contre le nouveau dispositif cantonal de lutte contre la pauvreté. L’objet de leurs foudres: une cotisation paritaire de 0,06% pour financer des prestations complémentaires pour les familles ainsi qu’une rente- pont pour les chômeurs âgés arrivés en fin de droit.

Pourtant, en novembre dernier, dans un tous-ménages adressé aux Lausannois, l’UDC n’hésitait pas à dénoncer le nombre élevé de bénéficiaires de l’aide sociale dans la capitale vaudoise; elle demandait alors des «mécanismes efficaces de réinsertion professionnelle». Le constat n’est pas faux: lors de chaque crise économique, le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale croît fortement; à l’inverse, quand la conjoncture redémarre, il reste stable ou ne diminue que faiblement. Cette évolution constitue effectivement une bombe à retardement.

Mais, diable, pourquoi alors s’en prendre à un projet qui vise précisément à endiguer le nombre de bénéficiaires du revenu d’insertion? Les nouvelles prestations complémentaires permettront en effet à 6000 familles, exerçant une activité lucrative, de ne pas recourir à l’aide sociale. Quant à la rente-pont, elle évitera à des salariés ayant travaillé toute leur vie de deman- der l’assistance publique au seuil de leur retraite. A la clé, une fin de carrière moins difficile, et moins de monde à l’aide sociale. La droite devrait applaudir; en lieu et place, elle lance un référendum, visiblement plus prompte à dénoncer la pauvreté qu’à la combattre.

Et ce n’est pas tout. Les référendaires omettent à dessein de le rappeler, mais un éventuel refus du projet coûterait également très cher à la collectivité. Pour la seule ville de Lausanne – en tenant compte de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’assurance-chômage –, cela représente environ 1,5 million de dépenses supplémentaires au titre de l’augmentation de la facture sociale. L’équivalent de quinze postes de policiers ou d’une soixantaine de places en garderie; une somme que Lausanne pourrait tout aussi bien économiser ou dépenser plus utilement.

La situation des finances lausannoises – ce n’est pas la droite qui dira le contraire – n’est pas à ce point confortable que l’on puisse se permettre de jeter ainsi 1,5 million de francs par les fenêtres. Ce débat appelle des réponses autrement plus sérieuses. Les socialistes en ont esquissé quelques-unes: prioriser les investissements, privilégier les réaffectations et profiter de la croissance démographique pour diminuer progressivement la dette. N’en déplaise à certains, la responsabilité sociale demeure souvent la meilleure garantie de finances saines.