Tribune – Le marché immobilier n’est pas un Monopoly!

Tribune de Émilie Moeschler parue dans l’édition du 1er octobre 2020 du 24 Heures

En 2017, contre l’avis des milieux immobiliers, nous étions 55,5% à accepter un nouvel instrument pour lutter contre la pénurie de logements dans le canton de Vaud (la loi sur la promotion et la préservation du parc locatif, ou LPPPL). Et depuis le 1er janvier 2020 les Communes (ou subsidiairement l’État) ont le droit d’acheter de manière prioritaire un terrain, construit ou non, dans le but de créer des logements d’utilité publique.

Durant mon enfance, la tradition familiale était plutôt de jouer au Tiers-Mondopoly, jeu créé par des associations humanitaires pour sensibiliser à la situation des paysannes et paysans du tiers-monde. C’est plus tard que j’ai appris les règles du Monopoly. Et je dois dire que cela a été d’une efficacité redoutable pour comprendre autour d’un plateau de jeu le fonctionnement du marché immobilier: on vend, on achète au plus offrant, on s’enrichit, on fait payer les locataires, on spécule, on cherche à s’enrichir toujours plus. Et plus on s’enrichit, plus on gagne le jeu!

Dans la vraie vie, ce qui est devenu «l’affaire de l’avenue Druey 22-30» en est une triste illustration. Un propriétaire achète un bloc en 2012 pour un montant de 9,4 millions de francs, vire tous les locataires prétextant des rénovations qui ne se feront jamais et vient de revendre l’immeuble avec une dizaine de millions de plus-value.

À l’époque, la Ville de Lausanne avait fait une offre d’achat, mais le droit de préemption n’existait pas. Aujourd’hui, le marché immobilier ne se situe plus au-dessus de la démocratie, n’en déplaise aux milieux concernés. Une décision démocratique donne justement aux Communes vaudoises le droit d’acheter en priorité un terrain pour le sortir du marché spéculatif, afin d’offrir à sa population des logements abordables.

À Lausanne, nous sommes encore et toujours trop nombreuses et nombreux à payer un loyer exagéré, à vivre dans un logement mal isolé, à ne pas trouver d’appartement adéquat et accessible. Le droit de préemption n’est pas une expropriation mais un achat respectant les conditions fixées entre le vendeur et l’acheteur initialement prévu.

Investissement sensé

La Municipalité de Lausanne propose aujourd’hui un crédit complémentaire de 30 millions au Conseil communal pour pouvoir continuer à acheter des biens immobiliers. Il fait suite à un crédit de 40 millions voté en début de législature, mais qui est sur le point d’être épuisé. Voilà un acte courageux et nécessaire qui permet non seulement d’offrir des logements à loyer abordable mais représente aussi un investissement qui fait sens pour les finances de la Ville, même si les rendements sont inférieurs aux prix du marché.

Et pour revenir au Monopoly, puisqu’il y aura bientôt un plateau vaudois, il pourrait être judicieux d’intégrer une nouvelle opération qui permettrait de lutter contre la spéculation immobilière. En quelque sorte, une nouvelle carte droit de préemption.

 

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