Postulat – 20 ans d’APEMS « Nous avons la quantité, quid de la qualité ? »

Aude Billard et Paola Richard-De Paolis, conseillères communales– postulat déposé le 26 juin 2018

En 2009, le peuple vaudois a accepté l’initiative pour une «École à journée continue». Un nouvel article 63a relatif à l’accueil parascolaire des enfants a été ajouté à la Constitution vaudoise. L’accord inter-cantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (Harmos) a aussi introduit l’idée d’école à journée continue pour les enfants de la 3P à la 6P. La révision adopté par le Grand Conseil vaudois le 31.1. 2017 de la Loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) en a fixé le cadre horaire (matin avant l’école, durant la pause de midi et l’après-midi après l’école, soit plus de 6 h par jour).

La LAJE définit les prestations de base à assurer par les communes vaudoises, selon une volonté politique largement partagée de renforcer l’accueil des enfants dont les parents en font demande, en lui attribuant:

  • une mission d’éducation et de prévention pour contribuer à une meilleure égalité des chances
  • la reconnaissance du rôle socio-éducatif du personnel de l’Accueil pour Enfants en Milieu Scolaire (APEMS)

La question de la continuité de la journée des élèves a certes déjà été discutée par notre Conseil communal (Postulat Longchamp et crts, 2008; Postulat Germond, 2010), des études promus par la Ville existent dès 1990. L’étude sur la mise en œuvre de l’art. 63a à Lausanne, menée en 2011 par Mme Barbara Mali de Kerchove, à l’époque consultante en politique familiale, a offert un état des lieux très exhaustif. Sa démarche participative a fourni informations, propositions et des pistes d’amélioration précieuses dont l’issue est peu connue.

La Ville de Lausanne a développé dès 1986 déjà son offre parascolaire, appelée APEMS en 1998, et a anticipé « l’École à journée continue » pour aboutir, plus récemment, à réaliser le principe «un enfant / une place». Ainsi, les 20 dernières années, plus de 17’000 enfants ont accédé aux APEMS lausannois. En 2018, env. 3’000 enfants fréquentent 24 APEMS (et leurs 31 antennes) ouverts 38 semaines/an (accueil de 7h à 8h30 ; de 11h50 à 13h50 et de 15h30 à 18h30).

En effet, la dotation en infrastructures (locaux, insonorisation, surfaces/enfant, distance de l’école, etc.) reste très inégale d’un APEMS à l’autre. La non prévisibilité des inscriptions pose plus d’un problème : si la flexibilité est appréciable (les parents pouvant annoncer l’absence de leurs enfants 24 heures à l’avance sans frais) il s’en suit malheureusement un accroissement de personnel temporaire ou sur appel, par définition peu ou pas du tout formé. Cette disparité de qualification du personnel intervenant auprès des enfants est difficile à gérer pour les responsables, tant pour mettre en place une pédagogie partagée et en assurer l’évaluation, que pour établir des liens opportuns avec la famille et avec le personnel enseignant des écoles. Ceci est un problème majeur.

Or, n’oublions pas qu’une grande partie des enfants est confiée à un APEMS pour une durée qui peut aller jusqu’à 6h30 par jour, soit une prise en charge supérieure au temps d’enseignement scolaire !

Ce postulat propose de marquer ces 20 ans des APEMS par un bilan surtout qualitatif de l’accueil parascolaire, des modalités d’accomplissement de sa mission socio-éducative, de son partenariat avec les parents et avec le corps enseignant, de la participation des enfants et préadolescents à certaines des décisions qui les concernent, et tout cela au sein de structures pour lesquelles il a aussi fallu inventer des solutions dans l’urgence pour répondre à la demande

Si la Ville de Lausanne bénéficie, grâce à une très bonne anticipation de ses Services, d’une offre large d’APEMS, il est grand temps de procéder à une évaluation. Les questions suivantes nous préoccupent au moment où, par ailleurs, l’EIAP (Établissement Intercommunal pour l’Accueil Parascolaire, qui réunit les communes vaudoises) mène une consultation au plan vaudois proposant une révision très controversée du cadre de référence et des normes du parascolaire:

  1. Après 20 ans de leur mise en place à Lausanne, quels indicateurs peuvent montrer si les APEMS ont évolué d’un mode de garde d’enfants vers des prestations socio-éducatives facilitant la transition avec l’école?
  2. L’éducation des APEMS se doit d’être complémentaire à la formation scolaire et à l’éducation parentale. Quelles modalités de collaboration entre les personnels des APEMS, les parents et le personnel enseignant sont-elles concrétisées ? Des synergies avec le personnel enseignant et d’autres intervenants auprès des établissements scolaires sont-elles favorisées ?
  3. La participation des enfants et préadolescents à l’organisation des activités du temps parascolaire est-elle prise en compte ? En fait-on un instrument d’éducation au vivre ensemble des futurs citoyens et citoyennes ?
  4. En partant du constat qu’un nombre important d’enfants de tout milieu fréquentent abondamment les APEMS, comment utiliser ce temps pour pallier, auprès d’enfants vulnérables, des éventuelles carences éducatives ?
  5. Au total, une trentaine de responsables et plus de 300 personnes travaillent dans les APEMS avec des horaires par définition fragmentés (personnel éducatif formé à différents niveaux – CFC, ES, HES – auxiliaires; apprenties; monitrices et moniteurs à l’heure; stagiaires etc…). Les qualifications du personnel engagé par les APEMS sont-elles en adéquation avec le rôle éducatif de ces temps d’accueil d’écoliers ?
  6. Pour chaque APEMS, quelle est la part de personnel éducatif formé (CFC, ES, HES) et la part d’auxiliaires, apprentis, monitrices et moniteurs à l’heure, stagiaires, etc., en fonction des plages horaires ?
  7. Quels temps et types de coordination entre personnels aux profils et qualifications disparates sont-ils prévus ?
  8. Combien d’APEMS disposent de structures adaptées à leur fonctionnement (cantine, cuisine, toilettes…) et à leurs besoins pédagogiques (coin bibliothèque, espace jeux, espace repos, accès à espaces extérieurs …) ?
  9. Les effectifs scolaires lausannois sont en nette croissance : une planification en infrastructures et en personnel qualifié pour les APEMS est-elle déjà accessible?

Au regard des questions posées ci-dessus, nous demandons à la Municipalité de bien vouloir étudier l’opportunité de présenter un rapport d’évaluation actualisé du fonctionnement des APEMS en relation à leurs contraintes actuelles et d’agir en tenant compte des avis de tous les acteurs qui jouent un rôle pour la qualité des prestations fournies aux enfants.

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