Interpellation urgente – Fragilisation de la situation des taxis: quelles conséquences pour les prestations d’intérêt public à Lausanne?

Interpellation urgente déposée par Benoît Gaillard, conseiller communal, le 22 mai 2018.

Comme on le sait, la situation des chauffeurs de taxis dans la région lausannoise se dégrade depuis des années. Sous les coups de boutoir d’une plate-forme, Uber, qui fait travailler des prétendus indépendants au mépris de toutes les lois en vigueur, allant même jusqu’à payer elle-même les amendes infligées par les autorités, le marché a été cassé. Avec UberPOP en particulier, le marché a été cassé par une sous-enchére trés violente sur les prix, rendue possible uniquement par des salaires misérables et un contournement des régies régissant l’exercice de la profession. Le produit UberX, aujourd’hui, n’est pas non plus en règle, comme l’a confirmé la Cour constitutionnelle dans le cadre d’une procédure contre une décision de l’autorité intercommunale pour la réglementation du service des taxis. Dans ce contexte, il est incompréhensible qu’Uber ait pu être reconnue comme centrale au sens du règlement intercommunal, puisque cette plate-forme ne dispose pas de chauffeurs exerçant légalement.

Les chauffeurs se mobilisent. Après une première manifestation en 2015, ils ont cherché à dialoguer avec les autorités et à obtenir davantage de contrôles pour mettre fin aux activités illicites. Si l’intensité des contrôles a en effet été augmentée, ils n’ont pas permis de mettre fin à la concurrence déloyale. Les 8 et 18 mai, respectivement à la place de la Riponne et au Fion, plus de 100 chauffeurs se sont à nouveau réunis pour proteste contre le bradage des autorisations face aux exigences du géant californien.

En somme: aujourd’hui encore, les chauffeurs de taxis en règle, soit disposant d’un carnet de conducteur de taxis et d’une autorisation d’exploiter sont mis en danger, économiquement, par la concurrence déloyale d’une multinationale qui se comporte en pirate et s’asseoit sur notre ordre juridique. Pire, l’association intercommunale a choisi d’adapter une partie de son règlement aux exigences d’Uber… mais tel n’est pas le débat pour le Conseil communal de Lausanne, la réglementation de ce domaine ayant été déléguée au Conseil intercommunal de l’association de communes.

En revanche, la fragilisation des acteurs actuels du marché – chauffeurs, entreprises détenant plusieurs taxis, centrales – pourrait avoir de vraies conséquences fâcheuses pour des prestations de service public offertes à Lausanne. Les centraux d’appel ancrés localement, avec lesquels il est possible d’entretenir un dialogue, peuvent en effet être chargées de réaliser des prestations pour le compte des collectivités. Quant aux taxis eux- mêmes, avec leurs tarifs fixes et transparents, ils offrent un complément bienvenu, pour certains types de déplacements, aux autres modes de transport – c’est particulièrement vrai à l’heure ou la moitié des ménages lausannois n’ont plus de voiture individuelle.

C’est l’objet de la présente interpellation adressée à la Municipalité de Lausanne.

  1. Taxi Services, central d’appel auquel sont tenus de s’affilier tous les chauffeurs disposant d’une autorisation de type A permettant l’usage accru du domaine public, est l’un des fournisseurs des prestations de transport offertes aux personnes à mobilité réduite par la coordination TMRL (Transports pour personnes à mobilité réduite de Lausanne et environs) dont Lausanne fait partie. De l’avis de la Municipalité, quel serait l’effet sur les prestations offertes à ces personnes d’une disparition du central Taxi Services si son activité cesse d’être rentable?
  2. Taxi Services assure également les prestations Taxibus sur mandat des tl, qui permettent de se déplacer dans des secteurs non desservis en permanence par les transports publics ou en dehors des heures de fonctionnement du réseau, et ce à un prix fixe et abordable. De l’avis de la Municipalité, quel est le risque qui pèse sur cette prestation si la centrale Taxi Services ne peut plus les assumer?
  3. Taxi Services assure également des prestations pour des élèves dont l’ètat de santé physique ou psychique ne permet pas d’emprunter les transports publics pour rejoindre l’école. Même question: de l’avis de la Municipalité, le péril qui pèse sur le central d’appel Taxis Services menace-t-il l’exécution de cette prestation?
  4. Tant Taxis Services, central d’appel des taxis disposant d’une autorisation A, que tout taxi disposant d’une autorisation B (sans droit d’usage accru du domaine public) ou central d’appel regroupant de tels taxis (Taxiphone aujourd’hui), doit de par le règlement intercommunal afficher de manière claire et transparente les tarifs qu’elle entend pratiquer. Ce n’est pas le cas d’Uber qui pratique une tarification différenciée susceptible de varier à la minute près en cas de pic de demande, et d’être multipliée par deux, trois ou même dix. De l’avis de la Municipalité, est-il acceptable de prendre le risque, en accommodant le règlement intercommunal pour y faire entrer les pratiques d’Uber, de voire les taxis proposant des tarifs fixes et transparents, très utiles par exemple pour les courses récurrentes de personnes âgées, disparaître au profit d’un service aux prix totalement variables?
  5. La modification de novembre 2017 du règlement intercommunal des taxis, adopté à une majorité du Conseil intercommunal, prévoit notamment la suppression de la vérification de toute connaissance de la région pour l’accès au carnet de conducteur de taxis. S’il est vrai que les outils numèriques permettent, dans la plupart des cas, de déterminer le meilleur chemin pour se rendre à une destination donnèe, encore faut-il comprendre de quelle destination. Par ailleurs, il est également utile qu’un chauffeur dispose de quelques connaissances de son environnement pour pouvoir donner, sur demande, des renseignements ou des suggestions, sous l’angle notamment de l’accueil des touristes. La Municipalité ne considèrerait-elle pas utile que l’autorisation d’exercer soit dans tous les cas subordonnée à la preuve de quelques connaissances générales sur l’environnement régionale dans lequel l’activité de chauffeur sera pratiquée?
  6. Aujourd’hui, la réglementation du service des taxis est, comme évoqué plus haut, déléguée à une association intercommunale constituée en 1964 et dont les statuts actuels ont été adoptés en 2002 par le Conseil communal de Lausanne et mis en vigueur en 2003. Demain, et sous réserve d’une modification importante du projet de loi soumis au Grand Conseil, la dèlivrance de l’autorisation d’exercer deviendra une compétence cantonale. Il ne restera dès lors à l’association intercommunale que la compétence de règlement les autorisations permettant l’usage accru du domaine public. Dans ce contexte nouveau, comment la Municipalité envisage-t-elle de garantir un service de taxis fiables, aux prix transparents et stables, susceptibles d’effectuer des prestations de service public, pour les Lausannois?
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